Volume 30 : Chapitre 2, Préparer l’ère à venir 41–50
Préparer l’ère à venir 41
Cette fois, ce fut au tour des chorales des hommes, des femmes, des jeunes hommes et des jeunes femmes de chanter ensemble. Leur ode victorieuse était le fruit d’une véritable collaboration de personnes ordinaires d’âges et d’horizons différents.
Dans son poème Le Peuple, Shin’ichi avait écrit :
Que ce soit dans le domaine de la science, de la philosophie,
de l’art ou de la religion,
Toutes les entreprises
doivent être destinées au peuple.
Sans vous, la science est sans cœur,
Sans vous, la philosophie est stérile,
Sans vous, l’art est vide,
Sans vous, la religion est impitoyable.
Vous devriez regarder de haut ceux qui se moquent de vous1 …
En regardant le spectacle, Shin’ichi réfléchit profondément au sens et à la raison d’être de la Soka Gakkai.
Il se dit : « La mission de la Soka Gakkai consiste à libérer le peuple de toutes les formes d’oppression et des chaînes du karma ! Telle est l’assise même de notre humanisme ! Je lutterai ! Je lutterai résolument, pour les personnes ordinaires et pour kosen rufu ! Quoi qu’il arrive, je me dresserai aux côtés des personnes ordinaires pour créer l’ère du peuple ! »
Puis ce fut le final de la réunion générale du groupe des Fifres et Tambours. Les artistes défilèrent dans les allées pour rejoindre la scène et interpréter ensemble Les anges de la paix, qui s’ouvre par ces mots : « Anges de la paix, membres du groupe des Fifres et Tambours ».
Des larmes de joie brillaient sur les joues des jeunes femmes tandis qu’elles chantaient avec passion. C’était l’ultime manifestation de leur jeunesse d’esprit et de la pureté de leur cœur.
Shin’ichi fut invité à dire quelques mots. Il souhaitait encourager toutes les participantes en leur transmettant ses remerciements et sa gratitude pour tout le travail accompli et pour leurs efforts dévoués.
Quand il se leva de son siège, un micro à la main, des acclamations et des applaudissements fusèrent de toutes parts.
« Quel beau spectacle ! Quelle magnifique réunion générale ! C’était impressionnant. Je suis profondément touché ! » dit Shin’ichi.
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C’était la première fois depuis longtemps que les membres entendaient la voix énergique de Shin’ichi. Tous écoutèrent attentivement.
« Il est difficile d’imaginer la somme d’efforts incroyables et le dévouement indéfectible exprimés par votre magnifique prestation, ainsi que la détermination et la persévérance avec lesquelles vous vous êtes entraînées pour perfectionner votre talent. Dans la vie, aussi, toute réalisation de qualité est le fruit d’efforts intenses.
« Fidèle à son thème, la réunion générale d’aujourd’hui marque en effet le début de votre avancée pleine d’espoir vers l’année 2001. Je vais moi aussi avancer avec espoir vers ce même objectif. Allons de l’avant tous ensemble !
« Pour la plupart, vous êtes des membres des deuxième ou troisième générations au sein de la Soka Gakkai. Vous, mes jeunes amies, allez ouvrir un chemin à travers les tempêtes et les dures réalités de la vie en ce monde. Divers problèmes et épreuves vous attendent à coup sûr, dans vos études, votre travail, vos relations avec les autres, ou dans le domaine de votre santé. Mais sachez que ce n’est qu’en affrontant de telles difficultés et en les surmontant que vous réussirez votre progression pleine d’espoir vers 2001.
« Souvenez-vous toujours de cette journée, et n’oubliez jamais la détermination et la persévérance dont vous avez fait preuve. Je souhaite que chacune de vous, en s’appuyant sur une foi forte, se hisse au sommet du XXIe siècle, en une nouvelle ère éclatante de bonheur.
« Merci pour votre magnifique spectacle d’aujourd’hui. Je prie de tout mon cœur pour votre bonheur et pour que vous meniez une vie victorieuse. »
De nouveau, les applaudissements résonnèrent dans la salle.
Shin’ichi se réjouissait profondément de voir cette génération de jeunes successeurs se développer avec brio et s’envoler vers le ciel du XXIe siècle. Il sentit monter en lui un immense espoir.
La réunion générale du groupe des Fifres et Tambours fut le dernier grand événement de cette mémorable année 1979. C’était comme une fanfare annonçant un nouveau départ vers le XXIe siècle.
Une année cruciale marquée par des turbulences, des bouleversements et, finalement, un renouveau, parvenait à son terme. La veille du Nouvel An, Shin’ichi se rendit au centre de séminaires de Shizuoka. En pensant au président fondateur de la Soka Gakkai Tsunesaburo Makiguchi, qui avait été arrêté à Shizuoka, il sentit qu’il entamait lui-même une nouvelle lutte. L’obscurité était encore profonde.
Il se rappela les mots de l’auteur chinois Lu Xun (1881- 1936) : « La lumière finit toujours par surgir. Comme l’aube, on ne peut l’empêcher d’apparaître2. »
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L’année 1980 débuta – l’année du 50e anniversaire de la fondation de la Soka Gakkai.
Dans l’édition du 1er janvier du journal Seikyo (p. 3), figuraient une photo de Shin’ichi Yamamoto ainsi que deux poèmes écrits pour célébrer le Nouvel An :
Mon cœur est libre et sans limites
au commencement de cette nouvelle année.
Dans ce voyage éternel de la vie,
je prie en renouvelant ma détermination
d’aller de l’avant.
***
À nouveau, ensemble,
traversons
montagnes et vallées,
en brandissant fièrement
la bannière de kosen rufu.
De nombreux membres de la Soka Gakkai qui virent la photo et les poèmes envoyèrent des lettres à Shin’ichi, au siège de la Soka Gakkai, ainsi qu’au journal Seikyo, pour faire part de leur joie.
Un homme de Kyushu lui écrivit : « Je ne m’attendais pas à ce que vous soyez cité dans l’édition du Nouvel An du journal Seikyo, mais cette photo où vous apparaissez en si bonne forme, accompagnée des poèmes que vous avez écrits, m’ont encouragé plus que tout.
« Bien qu’il reste encore des moines de la Nichiren Shoshu qui critiquent la Soka Gakkai dans la région où j’habite, je suis certain que la différence entre ce qui est juste et erroné apparaîtra très clairement. Cette année encore, je vais poursuivre mes efforts pour kosen rufu, fier d’être un membre de la Soka Gakkai. »
Une femme du Kansai écrivit : « Je ressens votre ferme détermination dans les mots, “À nouveau, ensemble / traversons / montagnes et vallées”. Ils me donnent de la force. Je vais, moi aussi, faire de mon mieux en renouvelant ma détermination et avec un esprit régénéré, sans me laisser vaincre par quoi que ce soit. Nous, membres du Kansai “toujours victorieux”, remporterons la victoire dans tous les domaines, en étant fiers d’être vos disciples. »
Comme ces nobles lions du mouvement Soka étaient admirables ! Ils demeuraient authentiques et sérieux dans leur foi, tout en endurant les attaques répétées de moines malveillants et de certains médias. En lisant leurs lettres, Shin’ichi sentit la force de leur engagement, aussi indomptable qu’une montagne.
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La nouvelle décennie s’ouvrit sur toute une série de bouleversements dans de nombreuses régions du monde.
En avril 1979, à la suite de la chute de la dynastie Pahlavi, un peu plus tôt la même année, la nouvelle République islamique d’Iran fut proclamée, avec à sa tête le guide suprême, l’ayatollah Rouhollah Khomeini.
En décembre 1979, l’Union soviétique envahit l’Afghanistan, où la guerre civile faisait rage. Il était certain que cela allait engendrer un conflit prolongé et coûteux, susceptible d’exacerber les tensions entre les États-Unis et l’Union soviétique.
Pendant ce temps, la situation se détériora au Moyen-Orient, ce qui déclencha une crise pétrolière, qui risquait de provoquer des ravages dans l’économie mondiale. Il était extrêmement difficile de prévoir ce qui se passerait, et la nouvelle année débuta sous le signe de l’incertitude.
Le matin du 1er janvier, au centre de séminaires de Shizuoka, Shin’ichi Yamamoto pria profondément, en s’engageant intérieurement à déployer encore plus d’efforts pour ouvrir la voie de la paix et faire progresser kosen rufu à l’échelle mondiale.
Le 14 janvier, avant midi, Shin’ichi et son épouse, Mineko, admirèrent la vue sur le port depuis l’une des salles du centre culturel de Kanagawa.
Des nuages blancs flottaient dans le ciel azuré, et la mer d’un bleu profond scintillait. En regardant avec ses jumelles, Shin’ichi vit approcher un bateau blanc. Un motif représentant un soleil orange vif ornait le flanc de ce bateau, et des passagers se trouvaient sur le pont. C’était le ferry Sunflower 7. Il tourna lentement en laissant un long sillage d’écume derrière lui pour se diriger vers le port d’Osanbashi, à Yokohama.
Ce jour-là, environ 800 membres de Shikoku [la plus petite des quatre îles principales du Japon] arrivèrent au centre culturel de Kanagawa pour rencontrer Shin’ichi, après une journée de voyage dans ce ferry affrété pour l’occasion.
La veille, les conditions météorologiques avaient été mauvaises et il avait neigé à Tokyo et à Yokohama. Une dépression se dirigeait vers les côtes est du Japon où l’on prévoyait une mer agitée. Il avait donc été question d’annuler le voyage. Mais les membres de Shikoku étaient déterminés à rencontrer Shin’ichi et avaient embarqué sur le ferry malgré la mer houleuse.
Le soir de leur départ, Shin’ichi avait récité Nam-myoho-renge-kyo avec ardeur, en priant pour que toutes et tous arrivent sains et saufs. Il souhaitait qu’ils écrivent un épisode mémorable de leur lutte pour kosen rufu.
Nos expériences personnelles liées à la grande épopée de kosen rufu enrichissent en effet notre vie.
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Après la démission de Shin’ichi, plus les mois passèrent et plus les membres de Shikoku espéraient vivement qu’il leur rendrait visite. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls à avoir ce désir. De nombreux membres de tout le pays envoyaient des lettres pour demander à Shin’ichi de venir dans leurs régions.
Les responsables des préfectures de Shikoku abordèrent le sujet.
« Pourquoi ne proposerions-nous pas à Sensei de venir à Shikoku ? demanda d’un air grave une responsable du département des femmes. Je pense que la seule façon d’accélérer le mouvement de kosen rufu dans notre région est que nos membres renouvellent leur engagement à mener la lutte commune du maître et du disciple et, avec Sensei, prennent un nouveau départ, imprégnés par la joie de la foi. »
« Mais Sensei n’est pas autorisé à donner des encouragements dans de grandes réunions, répondit un responsable aîné du département des hommes, pas plus qu’il ne peut paraître dans les publications de la Soka Gakkai. Je crains donc que nous devions nous contenter d’attendre. »
« Et combien de temps devrons-nous attendre ? Cinq ans ? Dix ans ? »
« Il me semble que personne ne le sait… »
Peiné par cet échange, le responsable de la région de Shikoku, Seitaro Kumegawa, se dit en lui-même : « Il doit y avoir un moyen de satisfaire le désir de chacune et chacun. Nous devons faire quelque chose… Depuis que Sensei a démissionné de la présidence, un sentiment de vide s’est répandu parmi les membres, et je sens qu’ils perdent graduellement la joie dans leur pratique bouddhique. Je sais que le moment est venu pour les disciples authentiques de se dresser. Mais nous avons besoin de quelque chose – quelque chose qui allume leur passion, et, bien sûr, le meilleur moyen serait d’offrir à nos membres une occasion de rencontrer Sensei. Mais comment faire ? »
Une idée lui traversa l’esprit.
« Puisque Sensei doit limiter ses activités, allons nous-mêmes lui rendre visite ! » dit-il d’un ton résolu.
En entendant ces mots, le responsable de la jeunesse de Shikoku, Okimitsu Owada, déclara avec enthousiasme : « Mais oui, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ? Il ne devrait pas y avoir de barrière entre Sensei et nous. Lorsqu’une barrière apparaît, il s’agit en fait d’une barrière intérieure créée par les disciples eux-mêmes. »
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Le 16 décembre 1979, alors qu’il participait à une réunion du Comité exécutif de la Soka Gakkai au centre culturel de Kanagawa, le responsable de la région de Shikoku, Seitaro Kumegawa, eut l’opportunité de participer à une réunion informelle avec Shin’ichi Yamamoto, en compagnie d’autres responsables de région.
« Sensei, dit-il, j’ai une requête à vous adresser. Nous envisageons de faire venir un groupe d’environ huit cents membres de Shikoku au centre culturel de Kanagawa pendant que vous y serez présent. Si possible, nous aimerions réserver un bateau jusqu’au port de Yokohama. Accepteriez-vous de rencontrer ces membres s’ils font le déplacement ? »
« Vous dites qu’ils vont venir de Shikoku pour me rendre visite ? dit Shin’ichi avec un sourire. Bien sûr que je les rencontrerai. Un tel état d’esprit me réjouit. Je les attends. »
En entendant la réponse de Shin’ichi, Kumegawa ressentit une grande joie.
Par la suite, le programme de la visite fut mis au point. Le groupe prendrait le ferry à Takamatsu [la capitale de la préfecture de Kagawa, sur l’île de Shikoku], le 13 janvier, et arriverait au centre culturel de Kanagawa autour de midi, le 14. Dans le programme, il y aurait notamment une réunion d’échanges avec les membres de Kanagawa et des discussions par petits groupes, puis les membres repartiraient le soir même.
Les responsables de Shikoku avaient moins d’un mois pour prendre toutes les dispositions nécessaires, et la période des vacances du Nouvel An tombait en plein milieu. Ils s’occupèrent aussitôt de réserver le ferry et décidèrent de qui ferait le voyage. Sans qu’ils aient vu passer le temps, le jour du départ arriva.
À 13 heures, en ce 13 janvier 1980, le ferry Sunflower 7 quitta le port de Takamatsu sous un ciel nuageux. Peu après le départ, une réunion de responsables se tint à bord.
Un des responsables se leva et dit : « Du vivant de Nichiren, Shijo Kingo effectua le voyage depuis Kamakura pour rendre visite à Nichiren, alors exilé sur l’île de Sado. Et, en dépit de son âge avancé, Abutsu-bo, qui habitait à Sado, se rendit presque chaque année auprès de Nichiren lorsque celui-ci s’était installé au mont Minobu.
« En suivant leurs exemples, allons à Kanagawa avec un grand esprit de recherche et renforçons notre détermination d’écrire une nouvelle page de l’histoire de kosen rufu ! »
Les membres réagirent avec un grand enthousiasme.
Celle et ceux qui sont dotés d’un profond esprit de recherche débordent de joie.
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Lors de la réunion à bord du ferry, le responsable de la région de Shikoku, Kumegawa, dit : « La Soka Gakkai se trouve aujourd’hui confrontée à un défi. Il est difficile pour Sensei de voyager dans le pays et d’offrir des encouragements. Mais aucune force ne peut briser les liens qui nous unissent à lui !
« Si Sensei doit restreindre ses activités, alors, nous, ses disciples, pouvons aller à sa rencontre. Si nous sommes animés par un esprit de recherche puissant et passionné, aucun obstacle ne sera insurmontable. Nous, membres de Shikoku, prenons l’initiative de célébrer avec Sensei le début de l’année du 50e anniversaire de la Soka Gakkai ! »
Les responsables applaudirent avec enthousiasme. Tous étaient enchantés et trouvèrent là une nouvelle inspiration.
Comme dans d’autres parties du Japon, il y eut plusieurs endroits, à Shikoku – notamment dans les villes d’Ozu et de Kochi, situées respectivement dans les préfectures d’Ehime et de Kochi – où les membres avaient souffert amèrement des traitements cruels et des insultes infligés par des moines malveillants. Par ailleurs, un complot avait été lancé pour briser les liens de maître et disciple, qui constituaient le cœur même de la foi pour les membres de la Soka Gakkai. En s’appuyant sur une détermination sincère, les membres de Shikoku refusèrent de subir passivement cette situation.
Shin’ichi Yamamoto fut régulièrement informé de la progression du Sunflower 7.
Il envoya un message demandant aux membres de se détendre et de bien profiter de leur voyage. Lorsqu’il apprit que le bateau possédait un salon équipé d’un projecteur, il encouragea le groupe à regarder un film.
La traversée fut dans l’ensemble agréable, mais tard, cette nuit-là, il y eut une dépression et la mer devint mauvaise.
Le bateau se mit à tanguer. Heureusement, des membres du groupe des médecins étaient à bord, prêts à offrir les premiers soins. Ils avaient aussi pris des précautions en emportant notamment des médicaments contre le mal de mer et, ainsi, personne ne tomba malade.
Une préparation minutieuse est la clé pour parvenir au succès et éviter les accidents. C’est pour cela que Nichiren soulignait l’importance de faire toujours preuve de prudence3 (cf. Écrits, 1010).
Le navire poursuivit sa route parmi les vagues agitées, et les membres s’abandonnèrent au sommeil, tout en songeant à leur rencontre du lendemain avec Shin’ichi.
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Vint l’aube du 14 janvier. Le Soleil se leva lentement et répandit sa lumière sur l’océan. Les vagues s’étaient apaisées.
Depuis le pont du Sunflower 7, on put voir peu à peu apparaître le sommet enneigé du mont Fuji. Après avoir enduré tant de calomnies et d’insultes de la part des moines de la Nichiren Shoshu et triomphé des tempêtes amères de l’adversité, les membres furent touchés par cette image impressionnante.
Dans le salon, à l’intérieur du bateau, on pouvait entendre chanter le célèbre Chant des amis et d’autres airs. Les jeunes femmes se livraient à des répétitions, avec l’espoir de pouvoir chanter devant Shin’ichi et les membres de Kanagawa.
Le navire pénétra dans le port de Yokohama peu avant midi. Sur son flanc gauche, des membres avaient aligné une suite de banderoles portant chacune une lettre en gros caractères, le tout formant les mots « Bonjour Sensei ! » Mais il se trouve que le bateau allait finalement accoster par la droite.
« Nous devons placer les banderoles de l’autre côté ! » cria quelqu’un.
Les jeunes hommes procédèrent rapidement au changement mais, dans la confusion, ils placèrent les banderoles dans le même ordre que sur le côté gauche, de sorte que l’ordre des lettres se trouva inversé. Ce petit incident amusa tout le monde.
Quand le bateau fut prêt à jeter l’ancre, Shin’ichi dit : « Allons à leur rencontre ! » et il sortit rapidement du centre culturel de Kanagawa.
Les membres de Shikoku se tenaient debout sur le pont.
Une banderole sur laquelle était écrit « Bienvenue à Kanagawa » avait été disposée sur le quai, et un groupe de musiciens composé de membres de Kanagawa jouaient, pleins d’entrain, Notre terre, le chant de la Soka Gakkai de Shikoku. Vêtu d’un manteau noir, Shin’ichi agita la main pour saluer les membres à bord du bateau.
Ces derniers répondirent à ses signes en s’écriant : « Sensei, Sensei ! » Certains avaient la voix étranglée par des larmes de joie.
« Bienvenue ! Je vous attendais ! », leur lança Shin’ichi.
Les membres de Shikoku descendirent la passerelle et furent salués par les applaudissements des membres de Kanagawa.
Une représentante des jeunes femmes de Kanagawa offrit un bouquet à Kumegawa, le responsable de la région de Shikoku, de la part de Shin’ichi.
« Comment allez-vous ? demanda Shin’ichi en souriant. Merci d’être venus. Vous avez remporté la victoire ! Le XXIe siècle est en vue ! Vous avez franchi une nouvelle étape pour kosen rufu ! »
Ce sont les actions déterminées qui ouvrent la voie vers une nouvelle ère.
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Shin’ichi accueillit les membres du département des hommes avec des sourires, des poignées de main et des accolades. « Je vous attendais ! Je suis si heureux de vous voir ! Prenons un nouveau départ ! » dit-il pour les encourager.
La passion et l’esprit de recherche des membres de Shikoku lui procuraient une immense joie. S’ils parvenaient à conserver cet engagement et cette détermination, l’esprit de maître et disciple du mouvement Soka consistant à consacrer sa vie à kosen rufu perdurerait éternellement.
Shin’ichi dit à Kumegawa : « Qui aurait pu penser que vous décideriez de venir par la mer ? C’est formidable ! Cela seul suffit à inspirer tout le monde. Quel que soit le domaine, il est important de penser de façon créative. Afin de remporter la victoire dans nos actions pour kosen rufu, nous devons faire preuve de sagesse et d’inventivité.
« Toutes sortes d’obstacles se dresseront sur notre route vers kosen rufu. Mais nous devons aller de l’avant pour notre bonheur, pour celui des autres et pour la paix. Par exemple, si la voie terrestre n’est pas accessible, alors nous devrons rapidement envisager une autre alternative, comme voyager par les airs ou par la mer, pour poursuivre notre progression. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être vaincus. »
Il y a mille ans, le grand poète kirghize Yusuf Khass Hajib (également connu sous le nom de Yusuf Balasaguni ; env. 1018-1069) écrivit : « Tant que vous serez vivants, tous vos désirs pourront être exaucés. Tant que vous aurez de la sagesse, tous vos objectifs pourront être atteints4. »
Il ne fut pas question de l’accueil réservé par Shin’ichi aux membres de Shikoku dans le journal Seikyo. Ce type de reportage était interdit.
Quand une jeune femme offrit un bouquet de fleurs à Kumegawa de la part de Shin’ichi, celui-ci se tenait à côté et applaudissait. Mais, dans le journal Seikyo, Shin’ichi fut coupé sur la photo et l’on ne pouvait voir que ses bras. C’est à contrecœur que le rédacteur en chef du journal avait dû prendre cette décision.
Devant le centre culturel de Kanagawa, les membres locaux accueillirent chaleureusement et applaudirent leurs amis de Shikoku, qui avaient effectué un si long voyage. Ils partageaient le même état d’esprit et la même foi, qui les poussaient à rechercher sincèrement leur maître.
Un membre de Shikoku déclara, d’une voix indignée : « Nous refusons de subir docilement les exigences [de ces moines] qui demandent aux disciples que nous sommes de ne pas rencontrer notre maître et de ne pas l’appeler “Sensei” ! »
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Les membres de Shikoku se divisèrent en plusieurs groupes pour visiter le centre culturel de Kanagawa et le Hall mémorial pour la paix Toda, situé juste à côté.
Le Hall mémorial pour la paix avait été inauguré l’année précédente, en août 1979. Il s’agissait d’un bâtiment historique en briques rouges, anciennement connu sous le nom de Maison anglaise n° 7, qui avait été restauré et rénové pour devenir un lieu d’exposition ouvert au public. Il fut créé afin de faire connaître et d’honorer l’esprit de la déclaration de Josei Toda appelant à l’abolition des armes nucléaires – prononcée à Yokohama, le 8 septembre 1957 – et d’exposer des objets qui témoignent des horreurs de la guerre et incitent à promouvoir la paix.
Les visiteurs pouvaient écouter une cassette où était enregistrée la déclaration de Toda. Il était aussi possible de consulter une série de cinquante-six volumes de publications contre la guerre, mise au point par le département de la jeunesse depuis 1973, ainsi qu’une traduction anglaise d’extraits de ces volumes, intitulée Cries for Peace: Experiences of Japanese Victims of World War II (Appels à la paix : expériences de victimes japonaises de la Seconde Guerre mondiale).
Il y avait aussi des expositions de photos et d’autres documents montrant la vie du peuple japonais durant la Seconde Guerre mondiale, notamment les cruelles conditions d’existence sur le front, ainsi que des scènes saisies juste après les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, ou encore les destructions causées par les raids aériens dans tout le Japon, la bataille d’Okinawa et la détresse des troupes démobilisées et des civils retournant au pays après la défaite. Il y avait aussi un coin où les visiteurs pouvaient écouter les enregistrements de récits de celles et ceux qui avaient fait directement l’expérience de la guerre.
Une exposition montrait l’histoire du mouvement pacifiste de la Soka Gakkai, et une autre présentait les propositions pour la paix de Shin’ichi Yamamoto et ses dialogues pour promouvoir l’amitié avec des dirigeants et penseurs du monde entier.
Les membres de Shikoku regardèrent les expositions et écoutèrent les cassettes. Ils y trouvèrent non seulement une nouvelle confirmation des malheurs et de la brutalité de la guerre, mais ils furent aussi profondément impressionnés par le vaste mouvement en faveur de la paix mondiale créé par la Soka Gakkai. Et ils renouvelèrent leur vœu de construire la paix.
Il est dit dans la Constitution de l’Unesco qu’il faut construire les « défenses de la paix » dans l’esprit humain5. La révolution humaine est indispensable pour y parvenir, ce qui consiste, pour chacune et chacun de nous, à bâtir un état de vie s’élevant au-dessus de toutes les pulsions négatives, telles que l’avidité et la haine.
La Soka Gakkai a créé d’innombrables réseaux d’amitié dans le monde en construisant les défenses de la paix dans le cœur des gens.
Notre mission sociale, en tant que pratiquants du bouddhisme de Nichiren, est de réaliser notre idéal – établir l’enseignement correct pour la paix dans le pays –, c’est-à-dire de créer un monde prospère où toute l’humanité puisse vivre en paix.
- *1Traduit de l’anglais. Daisaku Ikeda, « The People » (Le Peuple), dans Journey of Life: Selected Poems of Daisaku Ikeda (Un voyage de la vie : poèmes choisis de Daisaku Ikeda), London, I. B. Tauris, 2014, p. 45.
- *2Traduit du chinois. Lu Xun, Lu Xun quanji (Les œuvres complètes de Lu Xun), vol. 8, Pékin, Renmin wenxue chubanshe, 1996, p. 89-90.
- *3Dans une lettre adressée à Shijo Kingo, Nichiren écrit : « Il y a lieu de se réjouir que votre prudence et votre courage habituels, ainsi que votre foi résolue dans le Sûtra du Lotus vous aient permis de survivre sans dommage. » (Écrits, 1010)
- *4Traduit du russe. Yussuf Balasaguni, Blagodatnoe znanie (Les bienfaits de la connaissance).
- *5Il est dit dans le préambule de la Constitution de l’Unesco que « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».