Volume 30 : Chapitre 4, Cloches de l’aube 61–70
Cloches de l’aube 61
Au moment où Shin’ichi quitta la maison natale de Whitman, à 16 heures, une réunion d’amitié américano-japonaise se tenait dans l’auditorium d’un lycée de New York, où des membres locaux accueillaient une délégation de membres du Japon.
Un groupe de membres new-yorkais chantèrent en chœur les chansons « Sukiyaki » (Ue wo Muite Aruko) et « La plage de Morigasaki » en japonais, et exécutèrent également un ballet et d’autres danses. Les membres japonais chantèrent des chansons folkloriques régionales et interprétèrent des danses classiques japonaises. Ce fut un échange culturel agréable et plaisant.
Le poème de Shin’ichi intitulé « To My Beloved Young American Friends — Youthful Bodhisattvas of the Earth » (À mes jeunes amis américains bien-aimés — Jeunes bodhisattvas surgis de la Terre) fut présenté lors de la réunion. Un jeune homme le lut à haute voix en anglais :
Le monde d’aujourd’hui est malade.
Cette terre continentale, l’Amérique,
est elle aussi chancelante, sur le point de succomber
à la même affliction.
La terre d’Amérique
était, jadis, symbole de liberté et de démocratie —
le nouveau centre des espoirs du monde entier1.
Dans son poème, Shin’ichi avait souligné que les jeunes qui croyaient dans la Loi merveilleuse en Amérique avaient pour mission de revitaliser les États-Unis, leur patrie bien-aimée, et le monde entier.
En récitant la Loi merveilleuse
avec des voix sonores et retentissantes,
plantez vos pieds dans le terreau de la société ;
plongez-y vos racines,
faites naître des fleurs et éclore des bourgeons,
en continuant de vous exprimer,
de dialoguer, de lancer des appels venant du cœur,
de vous déplacer à la rencontre des autres —
pour cet ami-ci
pour cet ami-là
pour les habitants de cette ville
pour ces amis qui vivent au loin2.
Il y faisait également l’éloge des États-Unis, ce melting-pot de peuples divers qui représentaient un microcosme du monde, et affirmait que c’était dans leur unité et leur solidarité que se trouverait la formule pour la paix mondiale.
La paix mondiale n’est pas un objectif lointain. Elle commence par l’apprentissage de la confiance et du respect envers celles et ceux qui nous entourent, par le dépassement de nos préjugés, de nos attitudes discriminatoires, de notre haine et de notre animosité.
Cloches de l’aube 62
Dans son poème, Shin’ichi avait aussi lancé un appel :
Vous qui avancez,
qui ne perdez jamais de vue
notre seul cap,
notre but clair et certain,
nonobstant les divergences d’opinions.
Aujourd’hui encore, étudiez !
Aujourd’hui encore, agissez !
Aujourd’hui encore, luttez !
Avancez aujourd’hui de façon significative,
demain, faites un nouveau pas joyeux.
Chaque jour, lorsque votre vie fusionne
avec la Loi sublime et merveilleuse,
essuyez la sueur qui perle sur votre front
tandis que vous gravissez la colline de l’achèvement
vers le sommet de l’inestimable perfection de soi.
Soyez comme la Fleur de Lotus
qui s’épanouit au beau milieu
des réalités boueuses de la société.
La foi —
c’est n’avoir peur de rien
c’est rester debout et inébranlable
c’est le pouvoir de surmonter tous les obstacles.
La foi est la source d’où jaillissent
toutes les solutions.
La foi est le moteur qui nous propulse
dans le voyage palpitant de la vie,
une vie de victoire et de transcendance3.
Shin’ichi voulait transmettre le message qu’on ne pourrait accomplir l’aventure de kosen rufu, de la création d’une nouvelle ère, qu’en avançant régulièrement, un pas après l’autre, jour après jour. Il voulait aussi que les jeunes comprennent que ce combat était celui de la révolution humaine, qui commençait par l’apprentissage de la maîtrise de soi.
Il avait terminé son poème en annonçant qu’il passait le relais à ses jeunes successeurs :
Avec une foi totale en vous
mes successeurs,
je vous confie la totalité du projet qu’est kosen rufu.
Et peux
donc m’élancer
aux quatre coins de la Terre !
Convaincu
qu’à partir de ce chemin encore étroit
vous ouvrirez une grande voie
vers l’avenir,
mon cœur déborde de bonheur et de joie4.
Il y eut un tonnerre d’applaudissements dans l’auditorium. Les jeunes d’Amérique gravèrent ces paroles sincères au plus profond de leur vie et se lancèrent dans l’action.
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Après avoir quitté New York, Shin’ichi Yamamoto atterrit à l’aéroport international de Toronto (aujourd’hui aéroport international Pearson de Toronto) au Canada, peu après 16 heures, le 21 juin. Le directeur général, Hiroshi « Lou » Izumiya ; son épouse, la présidente Teruko « Ellie » Izumiya ; et de nombreux membres tenant des fleurs et agitant des drapeaux canadiens étaient présents pour l’accueillir, lui et son groupe.
Vingt et un ans s’étaient écoulés depuis la dernière visite de Shin’ichi en octobre 1960, lors de son premier voyage à l’étranger. La seule personne qui l’avait alors accueilli à l’aéroport était Teruko Izumiya, qui n’était pas encore membre de la Soka Gakkai.
En mars, Teruko avait épousé Hiroshi Izumiya, un Canadien d’origine japonaise qui travaillait pour une société de courtage, et, en avril, elle avait emménagé avec lui au Canada.
Le matin de l’arrivée de Shin’ichi, Teruko avait reçu une lettre par avion de sa mère au Japon, qui était membre de la Soka Gakkai. Elle avait écrit à sa fille pour l’informer de la visite de Shin’ichi au Canada et lui demander de l’accueillir à l’aéroport.
Teruko hésitait à y aller. Elle était enceinte et ne se sentait pas très bien. De plus, elle ne voulait pas se retrouver en face de quelqu’un qui essaierait de la persuader de pratiquer le bouddhisme de Nichiren. Tout ce que sa mère lui avait dit sur les bienfaits de la foi lui semblait relever d’une superstition surannée, et elle rechignait à l’idée de pratiquer elle-même. Mais, si elle n’allait pas à l’aéroport, elle décevrait sa mère et, pour éviter cela, elle décida de s’y rendre.
Shin’ichi remercia sincèrement Teruko de l’avoir accueilli, lui et son groupe, et l’interrogea sur sa famille. Il lui parla de l’importance de la foi et lui expliqua que le bouddhisme enseignait la loi ultime de la vie.
Dix-neuf mois plus tard, Teruko, dont la santé avait toujours été fragile, se mit à pratiquer le bouddhisme dans l’espoir que cela l’aiderait à recouvrer la santé. Elle ne voulait pas que son mari ait à s’inquiéter pour elle, et elle savait aussi que, en adhérant à la Soka Gakkai, elle rassurerait sa mère.
Une fois semées dans un cœur, les graines de la Loi merveilleuse finissent par germer au moment opportun. La clé, c’est d’aider celles et ceux qui nous entourent à créer un lien avec le bouddhisme de Nichiren et de planter ces graines.
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« Je tiens debout toute seule, mes pieds sont tout à fait parfaits5 » : c’est par ces mots que la peintre et écrivaine canadienne Emily Carr (1871-1945) avait exprimé son sens de l’autonomie.
Une fois qu’elle se mit à pratiquer le bouddhisme de Nichiren, Teruko Izumiya s’engagea dans les activités de la Soka Gakkai de son propre chef. Tirant son inspiration des numéros du journal Seikyo qu’elle recevait du Japon, elle rendait visite à ses connaissances et leur parlait du bouddhisme.
Pour assister aux réunions de la Soka Gakkai, elle devait prendre le car ou l’avion pour traverser la frontière américaine et se rendre à Buffalo (dans l’État de New York) ou dans la ville de New York.
Son mari se montrait très compréhensif à l’égard de sa pratique bouddhique et la conduisait souvent à ses activités, mais il n’était pas enclin à commencer à pratiquer lui-même.
Hiroshi Izumiya était né sur l’île de Vancouver en 1928. Son père avait quitté la préfecture de Wakayama pour s’installer au Canada et gagner sa vie comme pêcheur.
Lorsque la guerre du Pacifique éclata en 1941, le Japon devint l’ennemi du Canada, qui faisait partie du Commonwealth britannique. L’année suivante, la majorité des Canadiens d’origine japonaise furent envoyés dans des camps d’internement dans les montagnes Rocheuses canadiennes, où les températures descendaient jusqu’à moins 20 degrés Celsius en hiver.
Certains Canadiens d’origine japonaise se portèrent volontaires pour servir dans les forces armées afin de prouver leur loyauté. D’autres condamnèrent leur décision comme une trahison. D’âpres querelles et hostilités causèrent de profondes et douloureuses dissensions au sein de la communauté nippo-canadienne.
À la fin de la guerre, les Japonais n’avaient plus de foyer où retourner. Le gouvernement canadien leur donna le choix de rentrer au Japon ou de s’installer dans l’est du Canada.
Le père de Hiroshi avait déjà plus de 70 ans et avait toujours souhaité passer ses dernières années au Japon. La famille retourna donc dans la préfecture de Wakayama.
Hiroshi finit par s’installer à Tokyo. Résolu à entrer à l’université, il étudiait assidûment tout en travaillant dans un magasin sur une base militaire américaine. Il s’efforçait également d’améliorer ses connaissances en japonais, qui étaient plutôt limitées, et réussit à se faire admettre à la faculté d’économie de l’université Keio, une prestigieuse université privée. Après avoir obtenu son diplôme, il se mit à travailler pour une banque étrangère, mais, après un certain temps, il commença à envisager de retourner au Canada et d’agir comme passerelle pour promouvoir les relations entre le Japon et le Canada. Il trouva un emploi dans une société de courtage japonaise qui avait un bureau à Toronto.
Les personnes qui ont souffert de la guerre ont pour mission de vivre au service de la paix.
Cloches de l’aube 65
En 1960, la société de courtage japonaise pour laquelle travaillait Hiroshi Izumiya ouvrit une filiale canadienne. Cette année-là, il épousa Teruko, qu’il avait rencontrée au Japon. Teruko n’arriva au Canada qu’au printemps, et c’est plus tard la même année, lorsque Shin’ichi se rendit pour la première fois au Canada, qu’elle accueillit son groupe à l’aéroport de Toronto.
Après être devenue membre de la Soka Gakkai, Teruko décida de se consacrer au mouvement de kosen rufu au Canada. Bien que son mari la soutienne dans ses activités au sein de la Soka Gakkai, il lui était pénible de constater qu’il ne montrait aucune volonté de pratiquer lui-même.
À l’automne 1964, lors d’un voyage au Japon, elle rendit visite à Shin’ichi au siège de la Soka Gakkai, tenant par la main son adorable petite fille, Karen, dont elle était enceinte lorsqu’elle avait rencontré Shin’ichi quatre ans auparavant.
Ayant commencé sa pratique bouddhique seule au Canada, Teruko avait assurément rencontré de nombreuses difficultés. Lorsqu’elle commença à parler à Shin’ichi, les larmes lui vinrent aux yeux.
Shin’ichi l’écouta attentivement et hocha la tête, puis dit d’une voix puissante : « Chaque jour doit être un défi incessant pour vous. Mais, à la lumière du Sûtra du Lotus et des écrits de Nichiren, vous avez fait le serment, dans un passé lointain, d’œuvrer pour kosen rufu et vous vivez maintenant au Canada en tant que bodhisattva surgi de la Terre. Il est important que vous preniez conscience de cette mission et que vous vous déterminiez à la mener jusqu’au bout. Soyez convaincue que c’est la vie la plus noble qui soit, la source d’une joie, d’un épanouissement et d’un bonheur inégalables.
« Chacun a son propre karma. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Même les personnes qui paraissent baigner dans l’opulence peuvent en réalité se trouver rongées par l’anxiété et l’inquiétude, incapables de surmonter les souffrances fondamentales que sont la vieillesse, la maladie et la mort.
« En tant que membres de la Soka Gakkai, nous sommes engagés dans une aventure sacrée, sans précédent, qui n’a jamais été tentée auparavant : enseigner la voie qui permet d’atteindre un état inébranlable de bonheur absolu et transformer ainsi le destin de la société, de la nation et de l’humanité tout entière. Dans cette optique, il est inévitable que nous soyons confrontés à de nombreux obstacles, n’est-ce pas ? L’indécision rend lâche, alors soyez solide dans votre détermination. Lorsque vous l’êtes, un courage et une force sans limites jailliront en vous. »
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Lorsqu’une personne est fermement résolue, elle est guidée par son objectif dans la vie. Et, lorsqu’une telle personne devient le noyau ou le pivot de l’organisation, les roues de kosen rufu se mettent en mouvement.
À propos de son mari, Hiroshi, Shin’ichi dit à Teruko : « N’imposez pas votre foi à votre époux. Faites en sorte d’être une bonne partenaire et de fonder une famille heureuse. Vous pouvez montrer combien ce bouddhisme est merveilleux par votre comportement et la façon dont vous menez votre vie, à la fois en tant qu’épouse et en tant qu’être humain. Si vos interactions avec votre époux sont empreintes de sagesse et de sincérité et si vous priez pour le bonheur et l’harmonie de votre famille, le jour viendra certainement où il se mettra à pratiquer. »
Teruko Izumiya mit tout son cœur à appliquer ces orientations. Elle décida d’acquérir la citoyenneté canadienne et de passer le restant de ses jours au Canada, avec ses splendides feuillages d’automne et ses charmants habitants. Elle fit en sorte de ne jamais se plaindre à son mari, même lorsqu’elle était triste ou en détresse. Elle gardait tout dans son cœur et, lorsqu’elle souffrait, elle se mettait face au Gohonzon et récitait Daimoku avec sérieux.
Tout en prenant soin de son foyer et en élevant ses trois enfants, elle ouvrit avec joie et enthousiasme la voie de kosen rufu au Canada. Le cercle des nouveaux membres s’agrandissait constamment.
C’est en mars 1980 que Hiroshi décida de commencer la pratique du bouddhisme de Nichiren. Deux de ses sœurs aînées qu’il chérissait venaient de mourir l’une après l’autre de maladie, ce qui l’avait mis face à la difficile question du karma. Il réfléchissait aussi au fait qu’il avait été contraint de passer son enfance dans un camp d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale. Teruko était restée éveillée à discuter avec lui jusque tard dans la nuit et lui avait fait honnêtement part de son désir de pratiquer le bouddhisme avec lui pour qu’ils goûtent ainsi le bonheur ensemble.
Depuis des siècles, lorsqu’ils font face à des événements inexplicables qu’ils n’ont pas le pouvoir de contrôler, les êtres humains parlent de fatalité ou de destin, ou y voient l’œuvre d’une force supérieure. Le bouddhisme, quant à lui, élucide la raison de ces événements en se fondant sur la loi de cause et d’effet qui régit la vie et enseigne la manière de transformer ces difficultés.
Dix-huit ans après son épouse, Hiroshi Izumiya décida enfin de devenir membre de la Soka Gakkai. Ce soir-là, Teruko et lui firent Gongyo ensemble pour la première fois. Il neigeait abondamment dehors. La pièce vibrait de joie, et des larmes de bonheur coulaient sur les joues de Teruko.
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Shin’ichi avait prévu de se rendre au Canada lors de sa tournée d’encouragement en Amérique du Nord en octobre 1980. Mais, juste avant son départ de Chicago, le moteur de l’avion avait eu une avarie et il avait été contraint d’annuler son voyage. Il était terriblement peiné en songeant à la déception de tous les membres qui l’attendaient là-bas. Il fit parvenir un poème à la présidente de l’organisation au Canada, Teruko Izumiya :
Jamais je n’oublierai
comment vous vous êtes dressée
sur cette vaste terre du Canada.
Je vois enfin poindre l’aube
de kosen rufu.
Shin’ichi s’envola directement vers la destination suivante, Los Angeles. Il avait invité plusieurs responsables canadiens à le rejoindre, afin d’avoir l’occasion de les rencontrer et de s’entretenir avec eux. Teruko Izumiya et son époux, Hiroshi, un bel homme sympathique du même âge que Shin’ichi, étaient du nombre.
En lui serrant fermement la main, Shin’ichi félicita chaleureusement Hiroshi d’avoir commencé à pratiquer le bouddhisme de Nichiren et posa pour une photo avec lui. Des larmes brillaient dans les yeux de Teruko qui contemplait le profil de son mari.
Huit mois plus tard (en juin 1981), Shin’ichi se rendit au Canada et Hiroshi et Teruko l’accueillirent avec son groupe à l’aéroport international de Toronto.
Shin’ichi tenait à ce que Hiroshi l’accompagne dans ses activités au Canada. Il souhaitait que le directeur général, qui était chargé d’administrer l’organisation en tant qu’association à but non lucratif, comprenne la démarche consistant à soutenir les membres et à veiller à leur sécurité et à leur bien-être et s’en imprègne.
Shin’ichi dit à Teruko, qui, en tant que présidente et principale responsable de l’organisation, avait ouvert la voie de kosen rufu au Canada : « Vous n’auriez pas pu accomplir tout ce que vous avez fait sans la coopération de votre époux. L’essor de l’organisation canadienne lui doit beaucoup. »
Quand une personne réussit, elle croit souvent que ce n’est dû qu’à elle-même. En réalité, derrière chaque réussite, il y a les efforts d’un grand nombre de personnes. Les responsables qui en sont conscients et savent rester humbles et reconnaissants remporteront toujours la victoire.
Le 22 juin, deuxième jour du séjour de Shin’ichi au Canada, un millier de membres s’assemblèrent dans une grande salle de conférence d’un hôtel de Toronto à l’occasion d’une réunion générale. Cette célébration du 20ᵉ anniversaire du mouvement de kosen rufu au Canada marqua un nouveau départ plein d’espoir vers le siècle nouveau.
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Lors de la réunion, Shin’ichi fit part de sa joie d’être de retour au Canada pour la première fois depuis près de vingt et un ans et, évoquant ses souvenirs de sa première visite, il parla de l’importance d’une personne qui se dresse par elle-même.
« Zéro multiplié par n’importe quel chiffre, aussi grand soit-il, ça reste zéro. Mais le chiffre un peut croître sans limites lorsqu’on le multiplie. Le mouvement de kosen rufu, ici au Canada, a commencé à se développer de manière substantielle lorsque la présidente, Mme Izumiya, s’est résolument dressée pour agir de sa propre initiative. Aujourd’hui, l’organisation a grandi à tel point que nous pouvons réunir près d’un millier de membres.
« Tout commence par une seule personne. Cette personne enseigne aux autres la Loi merveilleuse, l’enseignement ultime du bonheur ; elle entraîne d’autres personnes afin qu’elles fassent apparaître une foi courageuse jusqu’à devenir capables de la dépasser ; elle met en mouvement un réseau croissant de personnes de valeur. Cela correspond au principe de “surgir de terre” (Écrits, 388), qui décrit le processus par lequel les bodhisattvas surgis de la Terre font leur apparition.
« La Soka Gakkai a pour mission de traduire dans la réalité les enseignements exposés dans les écrits de Nichiren. C’est ce que signifie lire les écrits avec notre vie. »
Shin’ichi parla ensuite des nombreux représentants du gouvernement et personnalités du monde universitaire et culturel de l’Union soviétique et d’autres pays qu’il avait rencontrés au cours de ce voyage à l’étranger.
« Lors de toutes ces rencontres, dit-il, j’ai insisté sur le fait que la paix est la préoccupation qui revêt la plus grande importance pour l’humanité.
« Le bouddhisme enseigne que tous les êtres humains possèdent de manière égale la nature de bouddha, et c’est cet enseignement qui sous-tend le respect de la dignité de la vie. C’est le fondement d’une philosophie de la paix ; la tolérance et la compassion envers autrui en sont le cœur.
« Cette philosophie, par sa nature même, s’oppose diamétralement à toutes les forces qui glorifient la guerre, asservissent les gens et les précipitent vers la mort. C’est pourquoi, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Soka Gakkai a été persécutée par le gouvernement militariste japonais, qui a mené la guerre en utilisant le shintoïsme d’État comme pilier spirituel.
« Je ne suis ni homme politique, ni diplomate, ni homme d’affaires. Mais, en tant que citoyen ordinaire, en tant qu’individu, je poursuis mes dialogues pour la paix ancrés dans le bouddhisme.
« C’est parce que j’ai l’intime conviction que le chemin le plus sûr vers la paix se dessine lorsque des gens de tous les pays partagent l’esprit du bouddhisme, selon lequel toutes les personnes sont également dignes du plus grand respect, et lorsqu’ils renforcent leurs liens d’amitié par-delà les frontières nationales. »
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Un arbre ne peut déployer ses branches et se couvrir de feuillage que lorsque ses racines sont profondes et solides. Il en va de même pour un mouvement dédié à la paix. Nombreux sont ceux qui appellent la paix de leurs vœux, mais, sans les racines d’une philosophie solide pour le guider, aucun mouvement ne saurait durer. Le mouvement pour la paix qu’est la Soka Gakkai trouve son origine dans la grande philosophie du bouddhisme de Nichiren, qui enseigne le respect de la dignité de la vie.
Lorsque les gens sont guidés par le principe bouddhique selon lequel chaque personne est intrinsèquement un bouddha, ils ne privent pas les autres de leur vie ni de leur droit à l’existence. En outre, l’enseignement bouddhique considère tous les êtres humains comme dignes du respect suprême, indépendamment de leur idéologie, de leur origine ethnique, de leur nationalité ou de leur religion. Il ne dénigre ni ne discrimine personne. Dans son esprit de compassion, il embrasse tous les êtres, quelles que soient leurs différences ; il n’exclut jamais.
Semer dans le cœur des gens ce principe du respect de la dignité de la vie, cette graine de paix qu’est la Loi merveilleuse, constitue la pratique de kosen rufu et le fondement de l’avènement de la paix dans le monde. Telle était la ferme conviction de Shin’ichi.
Dans son discours, il affirma que la finalité de la vie était de devenir heureux au sens propre du terme et que, pour ce faire, il était indispensable de résoudre le problème de la mort.
Le bouddhisme de Nichiren aborde la question de la mort au niveau le plus fondamental, en élucidant l’éternité de la vie et la loi de cause et d’effet. En prenant ce bouddhisme pour fondement, nous pouvons établir une vision solide de la vie, faire émerger la sagesse et la force nécessaires pour surmonter l’adversité et atteindre un état de bonheur absolu.
Shin’ichi conclut son discours en exprimant son espoir que, prenant ce jour comme point de départ, les membres du Canada se fixeraient des objectifs pour les vingt prochaines années et mèneraient des vies pleinement épanouies, en formant la magnifique famille au cœur pur du mouvement Soka.
À la fin de la réunion, les membres entonnèrent en chœur une chanson de la Soka Gakkai. Vingt membres du groupe des Fifres et Tambours montèrent sur scène. Certains étaient venus d’aussi loin que Vancouver, Calgary ou Montréal, et c’était la première fois qu’ils jouaient tous ensemble. La responsable du groupe des Fifres et Tambours était Karen Izumiya, la fille aînée de Hiroshi et Teruko. Une nouvelle génération était née.
Toutes les personnes présentes dans la salle se levèrent et se mirent à se balancer bras dessus bras dessous au son de la musique, en chantant joyeusement.
Cloches de l’aube 70
Le 23 juin, un millier de membres se réunirent à Caledon, dans la banlieue de Toronto, pour une rencontre amicale avec une délégation de membres du Japon.
L’événement, une garden-party avec un déjeuner sous forme de buffet, se tint sur une colline couverte d’arbres qui servait de station de ski en hiver. Les pentes vertes luisaient sous l’éclat du Soleil.
Un mini-festival culturel s’ouvrit ensuite sur une chanson interprétée par un chœur d’enfants. Les membres de la délégation japonaise chantèrent à leur tour « Le village d’Atsuta » et la chanson « Ce chemin » de la région de Chubu ; puis ils exécutèrent des danses japonaises traditionnelles sur l’air de « Variations sur la fleur de cerisier » et « Takeda Bushi ». Les membres canadiens présentèrent alors un programme animé, comprenant une danse folklorique du Québec, une interprétation instrumentale de « La plage de Morigasaki » par des musiciens professionnels, et le morceau « En avant vers kosen rufu » chanté par une chorale de femmes.
Shin’ichi prit ensuite la parole pour exprimer sa gratitude : « Ces chants si merveilleux, avec un tel niveau d’art musical, ces danses si sincères que vous m’avez offerts sont pour moi comme un rêve. » Il proposa qu’un centre culturel de la Soka Gakkai soit construit au Canada et exhorta tous les participants et participantes à illuminer leur entourage comme le Soleil et à contribuer à leur communauté tout en ouvrant la voie à un avenir brillant et prometteur pour le mouvement de kosen rufu au Canada.
Avant et après le festival, Shin’ichi s’entretint avec de nombreux membres et leur dispensa des encouragements. Il prit aussi soin de saluer et de remercier le gérant de la station de ski qui avait mis le lieu à leur disposition.
Le dialogue élargit les liens avec le bouddhisme.
La belle-mère du gérant était membre de la Soka Gakkai. Shin’ichi l’avait encouragée lors de son voyage à Téhéran, en Iran, en 1964.
Lui et son groupe étaient alors allés rendre visite à une membre de la Soka Gakkai dénommée Miki Ota, dans le restaurant chinois qu’elle gérait. Mais le propriétaire leur avait annoncé qu’elle avait démissionné à l’expiration de son contrat de travail et qu’elle était partie en voyage.
En observant attentivement Shin’ichi, l’un des employés iraniens avait à ce moment-là poussé une exclamation de surprise et sorti des magazines de l’arrière-salle. Il s’agissait de numéros du Seikyo Graphic. Il en avait ouvert un et, montrant une photo de Shin’ichi, il avait dit avec un sourire : « Monsieur Yamamoto ! »
- *1Traduit de l’anglais. Daisaku Ikeda, « To My Beloved Young American Friends–Youthful Bodhisattvas of the Earth » (À mes jeunes amis américains bien aimés–Jeunes bodhisattvas surgis de la Terre), Songs for America (Chansons pour l’Amérique), Santa Monica, Californie, World Tribune Press, 2000, p. 63.
- *2Traduit de l’anglais. Ibid. p. 66.
- *3Traduit de l’anglais. Ibid. p. 69.
- *4Traduit de l’anglais. Ibid. p. 71-72.
- *5Traduit de l’anglais. Emily Carr, Hundreds and Thousands: The Journals of Emily Carr (Des mille et des cent : Les journaux d’Emily Carr), Toronto, Clarke, Irwin and Company Limited, 1966, p. 138.