Volume 30 : Chapitre 4, Cloches de l’aube 51–60

Cloches de l’aube 51

Kosen rufu s’accomplit grâce au pouvoir de l’unité. L’attitude de chaque personne envers les autres est très importante pour réaliser cette unité. Shin’ichi décida de parler de l’unité en se fondant sur la vision bouddhique de l’être humain, selon laquelle chaque personne possède une mission unique.

« Vous avez tous et toutes, de façon égale, une mission pour kosen rufu, mais vos rôles individuels diffèrent. Par exemple, lorsqu’on construit une maison, certains travaillent sur les fondations, d’autres font la charpente, d’autres encore finissent l’intérieur, etc. Chacune de ces personnes a ses propres responsabilités et, en travaillant ensemble, elles bâtissent un bel édifice.

« De même, la grande entreprise de kosen rufu est menée à bien par des personnes ayant de nombreuses responsabilités différentes, qui forment une équipe et agissent de concert. Chacune d’entre elles exerce ses qualités et ses talents individuels dans la position et le domaine de responsabilité qui sont les siens. Le fait que leurs positions et spécialités puissent varier ne rend aucune d’entre elles supérieure ou inférieure.

« Les membres doivent respecter la personnalité et les caractéristiques uniques de chacun d’entre eux, s’encourager mutuellement, renforcer leur solidarité dans la foi et continuer de progresser ensemble. C’est l’unité qu’enseigne le bouddhisme, selon le principe de “différents par le corps, un en esprit”.

« Comme d’autres groupes, la Soka Gakkai est dotée d’une organisation, mais celle-ci n’a pas d’autre fonction que de coordonner efficacement nos activités. Une responsabilité dans l’organisation n’est donc qu’un rôle à remplir ; ce n’est pas une mesure de la valeur d’une personne.

« Cela dit, les positions dans l’organisation s’accompagnent de responsabilités. Les responsables doivent travailler avec plus d’ardeur que la plupart des membres. C’est pourquoi il est important que les membres respectent les responsables qui travaillent sincèrement pour le bonheur de tous et toutes, coopèrent avec eux et les soutiennent. »

Shin’ichi aborda également certains points concernant les responsabilités : « Les responsables doivent toujours veiller à rester calmes et posés, en acceptant et en soutenant les membres, et en ne se laissant jamais emporter par leurs émotions. S’ils ou elles sont à bout de nerfs, stressés ou dépassés par les événements, ils ou elles ne seront pas en mesure de guider les membres dans une atmosphère joyeuse, ce qui ne fera que nuire à tout le monde.

« La tolérance et la chaleur humaine sont des qualités que les responsables devront dorénavant cultiver avant tout. C’est en améliorant votre caractère que vous démontrerez la puissance de la foi dans le bouddhisme de Nichiren. J’espère que chacune et chacun d’entre vous développera son état de vie en réfléchissant sur soi et en prenant la résolution de s’épanouir en récitant sérieusement Daimoku et en faisant des efforts dans sa pratique du bouddhisme. »

Cloches de l’aube 52

Shin’ichi insista sur l’importance des petits groupes : « Cherchez à maintenir un rythme régulier de petites réunions. Si certains membres ne viennent pas, il est important de continuer de les contacter et de tisser des liens d’amitié et de confiance avec eux en les encourageant chaleureusement. S’ils ou elles ont des doutes ou des questions, il faut en discuter avec eux jusqu’à ce qu’ils soient pleinement satisfaits des réponses.

« Si vous continuez d’organiser de petites réunions mois après mois et année après année, en persistant comme les vagues qui transforment les rochers en sable, l’unité se forgera progressivement et servira de force motrice au développement. La victoire en toutes choses tient à la constance des efforts que l’on déploie dans des domaines ordinaires et peu spectaculaires. »

Il poursuivit : « Vous connaissez tous et toutes la Résistance française contre l’occupation nazie. J’aimerais que vous formiez désormais une résistance, fondée sur le bouddhisme de Nichiren, contre les fonctions négatives et les tendances à la paresse dans votre propre vie. En outre, engagez-vous dans un mouvement de résistance bouddhiste pour transformer les malheurs du monde en bonheur.

« Je demande à chacune et chacun d’entre vous de manifester l’éclat de votre caractère dans votre vie personnelle, de manière réelle et tangible. Devenez des piliers de votre entourage, appréciés et respectés par tout le monde. S’il vous plaît, faites-le pour le bien de votre France bien-aimée ! »

Au cours du mois qui avait suivi son arrivée en Europe depuis l’Union soviétique, le 16 mai, Shin’ichi avait tenu des réunions informelles sur la foi et dispensé de tout son cœur des encouragements et des orientations aux membres partout où il était allé. Il savait que c’était le moyen le plus sûr de créer une nouvelle ère dans le mouvement de kosen rufu en Europe. Construire l’avenir, c’est d’abord former des personnes de valeur.

Le bouddhisme de Nichiren étant un enseignement destiné à toute l’humanité, Shin’ichi était convaincu qu’il était vital de faire naître une dynamique croissante dans le monde entier pour faire progresser kosen rufu au XXIᵉ siècle.

Le matin du 16 juin, une connaissance de longue date, Alphonse Dupront, président honoraire de l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV), accompagné de son épouse, rendit visite à Shin’ichi à son hôtel, où ils discutèrent de la culture européenne et de l’enseignement universitaire.

L’après-midi, Shin’ichi et le groupe qui l’accompagnait décollèrent de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle à destination de New York.

Le périple de kosen rufu consiste à tracer des pistes nouvelles, en allant toujours de l’avant avec un esprit fras et combatif. C’est un chemin tissé de défis, où l’on se fixe sans cesse de nouveaux objectifs. C’est une lutte constante qui ne laisse aucune place à l’hésitation ou à l’immobilisme.

Shin’ichi contemplait un nouvel horizon plein d’espoir pour le mouvement de kosen rufu, qui s’étendait jusqu’au XXIᵉ siècle, étincelant sous le Soleil.

Cloches de l’aube 53

Après avoir traversé l’Atlantique, Shin’ichi Yamamoto et son groupe arrivèrent à l’aéroport international John F. Kennedy de New York un peu avant 15 heures, le 16 juin 1981. C’était la première fois que Shin’ichi retournait à New York depuis six ans.

Depuis quelque temps, le moine principal du temple local de la Nichiren Shoshu se livrait à des insinuations visant à dénigrer la Soka Gakkai, et des individus influencés par ses propos semaient la discorde et entravaient l’unité de l’organisation. Shin’ichi était donc déterminé à rencontrer le plus grand nombre de membres possible lors de son séjour à New York. Il voulait transmettre clairement à chaque personne la conviction et la fierté de la Soka Gakkai, qui se consacrait à l’accomplissement de la mission des bodhisattvas surgis de la Terre.

Par ailleurs, c’était Los Angeles et la côte ouest qui avaient jusqu’à présent été à la tête du mouvement de kosen rufu en Amérique. Mais il convenait désormais de renforcer l’organisation à New York et sur la côte est. À cette fin, Shin’ichi souhaitait entraîner des personnes de valeur.

Les 16 et 17 juin, il tint un certain nombre de discussions informelles avec les principaux responsables de la région Northeast, dont New York faisait partie, et leur donna des orientations.

« L’Amérique est le pays de la liberté, déclara-t-il, il est donc important de respecter l’autonomie de chaque personne. En votre qualité de responsables, vous ne devez pas imposer vos opinions aux autres. Veillez à discuter abondamment de tous les sujets, en ayant des échanges de vues francs, avant d’adopter une ligne de conduite.

« Si vous avez des divergences d’opinions, ne vous laissez jamais emporter par vos émotions et ne devenez jamais hostiles les uns envers les autres. Revenez toujours aux éléments fondamentaux que sont le Gohonzon et kosen rufu, et récitez Nam-myoho-renge-kyo unis dans un même objectif.

Nichiren nous enseigne que la « Loi bouddhique est la raison » (Écrits, 846). Lorsque vous formulez des lignes directrices pour des activités ou autres, il est essentiel d’en expliquer l’intention afin que tout le monde ait envie de les suivre. En d’autres termes, il faut toujours parler de façon raisonnable. La raison a le pouvoir de convaincre les gens. C’est pourquoi j’espère que vous approfondirez votre compréhension des enseignements de Nichiren.

« Lorsque chacune et chacun d’entre vous ancrera fermement sa vie dans le Gosho, les écrits de Nichiren, vous serez en mesure d’œuvrer ensemble dans l’harmonie, sans manque de respect, ressentiment, envie ou hostilité.

« Le Gosho nous sert à la fois de guide et de miroir, qui reflète notre manière de vivre. Avant de critiquer les autres, nous devrions d’abord examiner nos propres paroles, actions et pensées à la lumière du Gosho. Tel est l’esprit des véritables pratiquants et pratiquantes du bouddhisme de Nichiren. »

Cloches de l’aube 54

Comme de nombreux responsables de la Soka Gakkai aux États-Unis étaient d’origine japonaise, Shin’ichi décida de discuter des points qu’ils devaient garder à l’esprit dans le cadre de leurs activités.

« En particulier, commença-t-il, j’espère que les responsables d’origine japonaise feront attention à ne pas voir les choses du point de vue de la société japonaise. L’Amérique est une nation multiethnique, où cohabitent de nombreuses valeurs et façons de penser différentes. Il est donc essentiel que vous discutiez de façon approfondie et que vous confirmiez avec les membres même les points les plus essentiels de la foi et de la pratique, et que vous vous efforciez de créer une compréhension commune. Vous pouvez facilement provoquer des malentendus si vous partez du principe que, comme au Japon, tout le monde comprendra naturellement votre intention sans trop de discussions ou d’explications. »

Shin’ichi souligna également l’importance de s’unir par l’esprit pour l’essor de kosen rufu dans le monde entier : « Les membres aux États-Unis et dans tous les pays doivent mener leurs activités de manière harmonieuse tout en observant et en respectant les coutumes locales et les lois du pays en tant que citoyennes et citoyens exemplaires. Nichiren enseigne ce qui suit : “Si la conscience d’être ‘différents par le corps, un en esprit’ prévalait parmi les êtres humains, ils atteindraient tous leur but.” (Écrits, 622) Il faut donc que les membres s’unissent dans un engagement commun pour accélérer le flux de kosen rufu à l’échelle mondiale et s’assurer de sa perpétuation éternelle.

« L’esprit de maître et disciple cultivé dans la Soka Gakkai est la force motrice du mouvement de kosen rufu. En tant que responsables, vous ne devez pas chercher à rendre les membres dépendants de vous ou loyaux envers vous, mais à les guider pour qu’ils puissent tous avancer ensemble sur la grande voie du maître et du disciple.

« Pour ce faire, vous devez vous-mêmes, dans votre rôle de responsables, rester reliés au courant principal du mouvement Soka, la voie du maître et du disciple, avec un esprit de recherche toujours vif. Être centré sur soi, c’est comme être une flaque d’eau séparée de la pureté du courant principal, qui finira par stagner et s’assécher. Si cela se produit, vous serez incapables de guider les membres vers le grand océan du bonheur et de la paix.

« Vous devez rester en phase avec le mouvement de kosen rufu, sinon vous cesserez d’avancer. Si vous n’êtes pas synchronisés, vous finirez par tourner dans le vide même si vous restez actifs.

« C’est pourquoi il est essentiel de demeurer connectés au courant principal, de rester synchronisés et en harmonie. Faites de ce principe votre état d’esprit en tant que responsables du kosen rufu mondial. »

L’heure était venue pour la Soka Gakkai de se développer de manière dynamique en tant que mouvement religieux d’envergure mondiale. Shin’ichi estimait donc qu’il était impératif que les membres forgent une unité inébranlable selon le principe de « différents par le corps, un en esprit », fondée sur la foi consacrée à la réalisation de kosen rufu.

Cloches de l’aube 55

Le 18 juin à midi, Shin’ichi se rendit au siège de l’Associated Press (AP) au Rockefeller Center de Manhattan pour représenter le journal Seikyo, le quotidien de la Soka Gakkai. Après la visite des bureaux, il rencontra le président de cette agence de presse, Keith Fuller, et d’autres personnes. Ils abordèrent de nombreux sujets, notamment les relations raciales et le rôle et la responsabilité des médias.

Shin’ichi fit valoir que le meilleur moyen de faire progresser la paix était de diffuser sur toute la planète des informations exactes concernant les événements mondiaux, et il félicita l’AP pour ses travaux et initiatives à cet égard.

Il fit également observer que, en période d’incertitude économique et sociale croissante, les gens avaient tendance à donner la priorité aux gains à court terme plutôt qu’aux grands idéaux et à laisser les émotions prendre le pas sur la raison. Il existait un risque, poursuivi-t-il, que cela conduise à une société fermée et isolationniste. Shin’ichi fit remarquer que la religion devait jouer un rôle clé en permettant aux gens d’acquérir une véritable maîtrise de soi et de ne pas se laisser emporter par l’émotivité et d’accroître ainsi leur conscience et leur désir de contribuer à la société et à la paix. M. Fuller acquiesça.

Après avoir quitté les bureaux de l’AP, Shin’ichi se rendit au centre culturel de New York sur Park Avenue South, toujours à Manhattan.

Situé au rez-de-chaussée du bâtiment, le centre ne pouvait accueillir qu’environ 80 personnes. Lorsque les membres entendirent parler de la visite de Shin’ichi, ils se rassemblèrent en si grand nombre que la salle était plus que comble.

« Bonjour ! » dit Shin’ichi en anglais, avant de poursuivre en japonais : « Je me réjouis de vous voir tous ici. Récitons Gongyo ensemble pour l’essor de kosen rufu à New York, pour votre santé et votre bonheur, et pour la prospérité de vos familles. »

Shin’ichi pria profondément en souhaitant que tous les membres de New York continuent de pratiquer tout au long de leur vie et forgent un état de bonheur indestructible, tout en devenant des piliers dignes de confiance dans la société.

Après Gongyo, il parla des principes essentiels de la foi, de l’immense pouvoir de Nam-myoho-renge-kyo et de l’importance de réciter Daimoku.

La pratique fondamentale du bouddhisme de Nichiren est la récitation de Daimoku avec une prière concentrée sur le Gohonzon. La Soka Gakkai et ses activités sont là pour transmettre ce point essentiel. Il est indispensable que chaque membre récite avec force Nam-myoho-renge-kyo avec une foi profonde dans le Gohonzon pour faire surgir l’énergie nécessaire à la réalisation de kosen rufu, relever le défi de la transformation du karma et former une unité solide.

Cloches de l’aube 56

Shin’ichi dispensa ensuite des orientations fondées sur des extraits des écrits de Nichiren.

« Dans le Recueil des enseignements oraux, il est dit : “Quand, dans les quatre états – naissance, vieillesse, maladie et mort –, nous récitons Nam-myoho-renge-kyo, nous les amenons à exhaler le parfum des quatre vertus [éternité, bonheur, véritable soi et pureté].” (OTT , 90). La vie de certaines personnes est accablée par le malheur, voilée par les nuages sombres du karma. De fait, c’est le cas de bien des gens. Cependant, lorsque nous récitons Nam-myoho-renge-kyo, nous pouvons dissiper tous les nuages sombres de la souffrance grâce aux brises parfumées de l’éternité, du bonheur, du véritable soi et de la pureté.

« Il est dit également : “Nam-myoho-renge-kyo est la plus grande de toutes les joies.” (OTT, 212) Il y a toutes sortes de plaisirs dans la vie, mais Nichiren affirme qu’il n’y a pas de plus grande joie que de réaliser qu’on est un bouddha et de réciter Nam-myoho-renge-kyo.

« La joie d’acquérir ce que l’on désire, ou d’obtenir reconnaissance et célébrité, est une joie qui vient de l’extérieur. Elle est momentanée et ne dure pas.

« En revanche, la récitation de Nam-myoho-renge-kyo ouvre le grand palais qui réside à l’intérieur même de notre vie et fait jaillir la joie suprême – “la plus grande de toutes les joies” – comme une source venant du plus profond de notre être. Cette source de joie ne se tarira jamais, quelles que soient les épreuves ou l’adversité rencontrées.

« En outre, Nichiren écrit : “Le moyen merveilleux de surmonter les obstacles physiques et spirituels qui entravent tous les êtres vivants n’est autre que Nam-myoho-renge-kyo.” (Écrits, 849) Les divinités célestes et les bouddhas des dix directions et des trois existences promettent de protéger les personnes qui récitent Nam-myoho-renge-kyo. La récitation du Daimoku est donc le ”moyen merveilleux” de nous protéger contre les obstacles de toutes natures et de jouir d’une vie d’un bonheur inégalé.

« En ayant confiance dans le fait que vivre avec le Gohonzon et réciter Daimoku est le moyen de mener une vie merveilleuse et pleinement accomplie, exercez-vous dans votre pratique bouddhique et polissez votre vie. Ne vous laissez pas influencer par ce que disent ou font les autres. Continuez de pratiquer et devenez une personne qui peut proclamer : “J’adore réciter Daimoku !” »

Celles et ceux qui continuent de réciter Nam-myoho-renge-kyo auront le cœur aussi clair et lumineux qu’un ciel bleu ensoleillé et connaîtront un bonheur et une joie sans limites.

Cloches de l’aube 57

Dans l’après-midi du 19 juin, Shin’ichi assista à une réunion des représentantes et représentants de la région Northeast à Glenn Cove, dans l’État de New York. Environ 200 membres venus de New York, Boston, Philadelphie et de villes proches de la frontière canadienne s’étaient rassemblés.

Sur place, comme la salle où le Gohonzon avait été enchâssé pour l’occasion était assez petite, il y eut plusieurs cérémonies de Gongyo par petits groupes, chacune dirigée par Shin’ichi.

Ensuite, une réunion informelle eut lieu en plein air, à l’ombre des arbres.

La sueur perlant au front, Shin’ichi se mêla aux membres et discuta avec eux. Il aperçut une femme à l’expression un peu triste et lui donna un encouragement : « Si vous persévérez dans la foi, vous pourrez certainement dissiper les ténèbres de toutes vos souffrances et mener une vie heureuse. Si vous récitez résolument Daimoku et si vous vous engagez dans les activités de la Soka Gakkai, vous en viendrez à briller comme le Soleil. Vous pourrez illuminer votre famille et votre entourage. Les larmes ne siéent pas au Soleil. S’il vous plaît, devenez une personne souriante et joyeuse. »

Shin’ichi se joignit ensuite à tous les participants et participantes pour assister à un spectacle musical.

New York est l’une des capitales culturelles du monde, dont de nombreux membres sont des musiciens de renom. Un groupe formé par ces membres joua « Kojo no Tsuki » (La lune au-dessus du château en ruine) et « Over the Rainbow » (Par-delà l’arc-en-ciel).

Ces musiciens étaient également actifs en première ligne dans les activités de la Soka Gakkai ; ils rendaient visite aux membres chez eux et installaient même volontiers les chaises lors des réunions. Shin’ichi déclara : « C’est tout à fait admirable. Je suis enchanté de l’apprendre. C’est exactement comme ça que la Soka Gakkai devrait être. Devant le Gohonzon, nos responsabilités dans l’organisation ou des aspects comme le statut social ou la célébrité n’ont pas la moindre importance. Il n’y a pas de classe privilégiée dans la pratique du bouddhisme. Nous sommes tous égaux.

« Plus nous faisons d’efforts dans notre pratique bouddhique, plus nous travaillons dur pour kosen rufu, plus nous pouvons transformer notre karma et devenir heureux. De même, c’est dans ce respect mutuel entre membres qui se considèrent tous comme enfants égaux du Bouddha que se trouve le cœur du monde Soka. »

La Soka Gakkai est un véritable royaume de l’harmonie humaine.

Cloches de l’aube 58

Après la réunion des représentantes et représentants de la région Northeast de 13 heures, Shin’ichi rejoignit un groupe plus restreint d’environ 30 membres pour une discussion informelle, peu après 17 heures.

« J’ai entendu dire que l’État de New York avait pour slogan “I love New York” (J’aime New York), déclara-t-il. Comme il est merveilleux d’aimer sa ville, sa communauté. Cet esprit est aussi le point de départ pour promouvoir le mouvement de kosen rufu dans vos régions respectives. »

Shin’ichi dit qu’il espérait que les membres adopteraient également un autre slogan, “I Love New York Soka Gakkai” (J’aime la Soka Gakkai de New York), et œuvreraient ensemble dans le respect et la confiance mutuels, qui étaient essentiels pour créer l’unité nécessaire à l’essor de notre mouvement.

Puis Shin’ichi échangea avec des jeunes qui avaient travaillé dans l’équipe de soutien à l’événement ce jour-là. Ils lui posèrent des questions librement et partagèrent tout ce qui leur venait à l’esprit. À un moment donné, quelqu’un lui demanda s’il pouvait leur donner des encouragements ou des orientations concrètes. Shin’ichi était ravi de constater l’esprit de recherche enthousiaste de ces jeunes qui allaient assurer la relève.

En fait, depuis le matin du 17 juin, le lendemain de son arrivée, Shin’ichi travaillait sur un poème dédié à la jeunesse américaine précisément dans l’objectif de lui offrir ces orientations et cette inspiration pour l’avenir. Après d’ultimes révisions, il acheva le poème le lendemain matin, 20 juin, après s’être entretenu avec l’équipe chargée du soutien de l’événement.

Dans l’après-midi, Shin’ichi visita la maison de Long Island où était né le célèbre poète Walt Whitman (1819-1892).

À l’arrivée de Shin’ichi à New York en provenance de Paris le 16 juin, les membres du département de la jeunesse lui avaient offert un livre d’essais sur Walt Whitman, assorti d’une traduction japonaise. Dans leur lettre d’accompagnement, ils lui avaient recommandé de visiter sa maison natale. Touché par leur geste, Shin’ichi avait décidé de donner suite à leur proposition.

La maison était entourée de grands arbres et d’une pelouse verdoyante. C’était une construction simple, à deux étages, qui semblait incarner l’esprit terre à terre des pionniers.

Shin’ichi songea immédiatement à l’œuvre de Whitman intitulée « Pionniers, ô pionniers ! », un poème absolument grandiose rappelant l’esprit de la Soka Gakkai, qui trace des voies nouvelles pour le mouvement de kosen rufu. Ce poème l’avait toujours profondément encouragé.

La grande poésie insuffle de l’espoir et nous donne la force de continuer de vivre.

Cloches de l’aube 59

Au rez-de-chaussée de la maison se trouvait la chambre où Walt Whitman était né. Il y avait également un salon pour les invités et une cuisine remplie de divers ustensiles de l’époque, dont du matériel pour fabriquer des bougies, un four à pain, un seau d’eau et une perche. Tous ces objets évoquaient la vie rurale autarcique d’une époque révolue.

Les objets personnels du poète étaient exposés dans des salles situées à l’étage. Ils comprenaient des portraits, des fac-similés de manuscrits et le journal de Whitman datant des jours terribles de la guerre de Sécession.

Il y avait également une lettre de Ralph Waldo Emerson à propos de Feuilles d’herbe de Whitman. La poésie révolutionnaire de Whitman avait d’abord été rejetée par les critiques ; seules quelques personnes avaient compris ce qu’il cherchait à accomplir. Emerson comptait parmi ceux qui s’intéressaient de près à la poésie de Whitman et en faisaient l’éloge.

Dans le cas des pionniers, plus leurs idées sont novatrices, et plus le chemin à parcourir est ardu et solitaire. Il n’est jamais facile de comprendre quelque chose de complètement nouveau. Nos efforts pour réaliser kosen rufu et l’idéal de Nichiren de « l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays » représentent un nouveau mouvement religieux sans précédent dans l’histoire. Il s’agit d’un mouvement dédié à la création d’une ère, d’une société par et pour le peuple, fondée sur la révolution humaine, qui offre la clé pour libérer le potentiel infini de chaque individu.

Naturellement, il faut beaucoup de temps pour que ce mouvement soit compris correctement et apprécié à sa juste valeur. Kosen rufu est un processus graduel, qui s’accomplit en persévérant dans le dialogue, en transmettant les enseignements du bouddhisme et en élargissant progressivement le cercle de soutien et d’amitié grâce au comportement, au mode de vie et au caractère de chaque membre. Il faut également être conscient que de violentes tempêtes de critiques, d’abus et de persécutions résultant d’un manque de compréhension viendront inévitablement contrecarrer un tel processus.

Whitman avait chanté : « Allons ! à travers conflits et guerres ! / Pas question de se soustraire au but désigné1 ! » Shin’ichi se souvint d’avoir un jour cité ces vers célèbres de Feuilles d’herbe pour encourager une assemblée de jeunes hommes de la région japonaise de Shin’etsu à s’engager dans une nouvelle initiative pour kosen rufu. Whitman était un de ses poètes favoris depuis sa jeunesse, et Feuilles d’herbe, un de ses livres préférés.

La vie de ceux qui ont survécu à des batailles acharnées brille comme un diamant.

Cloches de l’aube 60

Walt Whitman mourut d’une pneumonie en mars 1892, à l’âge de 72 ans. Ses funérailles se déroulèrent sans la présence du clergé. Les amis rassemblés firent son éloge funèbre et lui adressèrent leurs derniers adieux en lisant de brefs passages du Bouddha, de Platon et d’autres traditions. Whitman lui-même avait refusé tout service religieux conventionnel.

Dans la préface de la première édition de Feuilles d’herbe, il avait écrit : « Il n’y aura bientôt plus de prêtres. Leur travail est terminé. […] Une race supérieure prendra leur place […] les gangs du cosmos et les prophètes en masse prendront leur place. Un nouvel ordre adviendra et ce seront les prêtres de l’homme, et chaque homme sera son propre prêtre2. »

En mars 1992, à l’occasion du centenaire de la mort de Whitman, l’association Walt Whitman d’Amérique invita Shin’ichi à assister à un événement commémoratif. Dans l’impossibilité d’y participer en raison d’engagements antérieurs, Shin’ichi composa et offrit un poème dédié au poète du peuple qu’il aimait et admirait tant. Intitulé « Comme le Soleil qui se lève », ce poème comprend les vers qui suivent :

Nul n’est le maître d’un autre
Nul n’est l’esclave d’un autre —
Politique, savoir, religion, art
ne sont tous qu’au service de l’être humain
et pour le bien du peuple.
Faire taire les préjugés de race,
abattre les murs de classes,
partager la liberté et l’égalité avec le peuple —
c’est pour cela que tu chantes
jusqu’au bout de tes forces.


Tes chants —
la Déclaration de l’humanité
pour une nouvelle ère.

Tu es le plus grand ami
du commun des mortels,
Toi-même, tu t’enorgueillis
d’être pour toute ta vie
un enfant des masses sans couronne
3.

En voyant la maison natale de Whitman, Shin’ichi pensa à la Renaissance américaine du XIXᵉ siècle. Et, dans son cœur, il fit un serment : « Tout en faisant progresser kosen rufu, un mouvement visant à créer une nouvelle “renaissance de la vie”, tant que je vivrai, je continuerai de composer des poèmes qui apportent aux gens inspiration, espoir et courage. »

  • *1Traduit de l’anglais par Jacques Darras dans, Walt Whitman : « Feuilles d’herbes », Éditions Gallimard (Poésie), 2002.
  • *2Traduit de l’anglais. Walt Whitman, Leaves of Grass: Comprehensive Reader’s Edition (Feuilles d’herbe : édition complète), édité par Harold W. Blodgett et Sculley Bradley, New York, New York University Press, 1965, p. 727.
  • *3Traduit de l’anglais. Daisaku Ikeda, « Like the sun rising » (Comme le Soleil qui se lève), dans Journey of Life: Selected Poems of Daisaku Ikeda (Voyage de la vie : Choix de poèmes de Daisaku Ikeda), London, I. B. Tauris, 2014, p. 220.