Partie 1 : Le bonheur. Chapitre 5
Transformer la souffrance en joie [5.9]

5.9 L’hiver se transforme toujours en printemps

Le président Ikeda nous encourage à regarder vers l’avenir avec confiance et détermination.

Nichiren écrit : « [L’hiver] se transforme toujours en printemps. » (Écrits, 539) Il poursuit en disant que ceux qui croient dans le Sûtra du Lotus peuvent sembler être en hiver, mais que l’hiver ne manquera pas de céder la place au printemps.

Ces paroles de Nichiren ont permis à d’innombrables individus de trouver leur voie pour aller de l’avant, vers un printemps de renaissance, un printemps de la vie. C’est là pour nous une orientation éternelle, et son message, sans aucun doute, continuera d’insuffler un espoir illimité à des milliards d’êtres humains sur la planète qui recherchent le vrai bonheur. Penchons-nous maintenant sur la compassion infinie de Nichiren, telle que l’expriment ces mots.

Nichiren a écrit cela pour encourager une veuve, la nonne séculière Myoichi. Le mari de cette dernière avait été une personne à la foi forte. Après la persécution de Tatsunokuchi, il avait été dépossédé de son fief, en raison de sa foi dans les enseignements de Nichiren. Ceux qui ont une attitude juste sont souvent persécutés – telle est malheureusement la voie de notre monde corrompu, une constante que nous pouvons observer dans tous les pays et à toutes les époques. Durant l’exil de Nichiren à Sado, l’époux de Myoichi est décédé, en demeurant ferme dans sa foi jusqu’à la fin de sa vie. Il laissa derrière lui son épouse, âgée et fragile, un fils malade, ainsi qu’une fille.

Nichiren avait bien conscience de la situation de la nonne séculière. Dans sa lettre, il imaginait combien son mari avait dû souffrir de la laisser derrière lui, ainsi que leurs enfants, et s’inquiéter de ce qu’il adviendrait d’eux lorsqu’il ne serait plus là. Par ailleurs, il se souciait aussi du sort de Nichiren. (cf. Écrits, 538-539)

Comme je l’ai mentionné, l’époux de Myoichi est décédé alors que Nichiren était encore en exil à Sado, une île aux hivers glacials, d’où peu d’exilés revenaient vivants. Il a donc dû aussi se faire beaucoup de soucis pour Nichiren.

En pensant à ce courageux disciple, mort au milieu de difficiles épreuves, Nichiren écrit :

« [Votre] mari a peut-être senti qu’il allait se passer quelque chose et que ce moine [Nichiren] serait de plus en plus hautement respecté. Contrairement à ce qu’il espérait, j’ai été exilé [à Sado], et il a dû se demander comment le Sûtra du Lotus et les dix filles rakshasa1 avaient bien pu tolérer cela. S’il était encore en vie, quelle joie serait la sienne de voir que Nichiren a été gracié2 ! » (Écrits, 539)

Comme l’indiquent ce passage ainsi que d’autres lettres, beaucoup de disciples s’attendaient que Nichiren parvienne à une situation de gloire et d’honneur. Mais, dans les faits, sa vie ne fut qu’une suite sans fin de persécutions. Il fut calomnié et tourné en ridicule dans tout le pays et soumis à des tracasseries incessantes. Parmi ses disciples, il s’en trouvait certains qui espéraient que leur propre réputation s’élèverait en même temps que celle de Nichiren, mais, quand leurs espoirs dans ce domaine furent anéantis, ils abandonnèrent leur pratique bouddhique ou rejoignirent les rangs des adversaires de Nichiren. Ils conspirèrent avec les autorités et se mirent à manœuvrer derrière la scène pour nuire à leur ancien maître et à leurs amis pratiquants.

Pourtant, même au cœur d’une telle situation, le mari de Myoichi demeura fidèle et ferme dans ses convictions. Sans doute a-t-il rêvé du retour triomphal de Nichiren et il a dû éprouver beaucoup de colère et de peine devant la vile trahison de certains de ses disciples.

Nichiren savait bien ce qui se passait dans l’esprit de ses disciples. Il était parfaitement conscient de tout. Il refusa le moindre compromis avec le mal et l’injustice et affronta sans détour les persécutions.

Voilà pourquoi Nichiren écrit que le mari défunt de Myoichi aurait été sûrement ravi et comblé de joie en apprenant son retour, sain et sauf, de Sado – une issue à laquelle personne ne s’attendait, à l’époque. Ce passage transmet avec force combien Nichiren aurait désiré que son fidèle disciple, qui s’était tenu à ses côtés au moment des grandes épreuves, puisse être le témoin de sa victoire et se réjouir avec lui.

Dans cette même lettre, il est écrit que le défunt mari de Myoichi aurait certainement été content d’apprendre que l’invasion mongole s’était réalisée, car cela confirmait le bien-fondé de la prédiction de Nichiren. Une invasion étrangère était certes un événement tragique pour le pays, mais il aurait été parfaitement normal, sur le plan humain, que son disciple réagisse ainsi. « Ce sont là des sentiments bien normaux pour un homme du commun », déclare Nichiren. (Écrits, 539)

Il ne fait aucun doute que, en lisant cela, la nonne séculière Myoichi a dû avoir le sentiment d’entendre Nichiren lui dire : « Nous sommes unis dans nos joies et nos souffrances. »

Nichiren a écrit que l’hiver se transforme toujours en printemps dans le contexte que nous venons de décrire. Il dit à la nonne séculière : « Votre mari est mort en “hiver”. Mais le “printemps” est maintenant arrivé. L’hiver se transforme toujours en printemps. Menez pleinement votre vie. Ceux qui demeurent fidèles à leurs convictions sont assurés d’atteindre la bouddhéité. Vous ne manquerez pas de devenir heureuse. Il est plus que probable que votre mari veille sur vous et sur votre famille. »

De plus, avec une sollicitude et une compassion profondes, Nichiren assure Myoichi qu’il se tient prêt à veiller lui-même sur ses enfants, si les temps s’y prêtent (cf. Écrits, 540). Cette bonté illimitée, cette humanité chaleureuse sont le cœur même du bouddhisme bienveillant de Nichiren. Il n’y a pas là la moindre trace d’autoritarisme. Comme c’est merveilleux !

La formule « l’hiver se transforme toujours en printemps » peut aussi se comprendre comme l’expression de la conviction de Nichiren et de sa preuve factuelle : il goûte le printemps de la victoire après avoir résisté aux conditions les plus sombres durant son exil à Sado.

Nichiren affronta les persécutions les unes après les autres, comme autant d’épreuves qui ne pouvaient être surmontées sans le pouvoir de la bouddhéité. Normalement, il est très probable qu’une personne soumise constamment à de telles persécutions serait tombée malade, aurait eu une dépression, se serait suicidée, ou aurait fini par être tuée. Cependant, Nichiren triompha de toutes les formes d’adversité. Il survécut et poursuivit son existence. Pour toute l’humanité, il transmit le bouddhisme des Trois Grandes Lois cachées, destiné à l’avenir éternel de l’époque de la Fin de la Loi. Nous devons être profondément conscients de l’immense compassion dont il a fait preuve par un tel comportement.

La nonne séculière Myoichi fut sans aucun doute profondément touchée par le message de Nichiren appelant ses disciples à observer sa victoire – « la transformation de l’hiver en printemps » – et à l’adopter comme modèle dans leur vie.

Nous avons nous aussi besoin de parvenir à notre « printemps du bonheur » – non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour nos amis pratiquants qui luttent à nos côtés depuis de si longues années. Il est important d’établir un exemple, afin que ceux qui viendront après nous puissent, en nous regardant, se réjouir et dire : « Comme c’est merveilleux ! Ceux qui persévèrent dans la pratique du bouddhisme de Nichiren deviennent des personnes remarquables et parviennent au bonheur ! »

Durant ces dix dernières années, je suis parvenu à « un printemps de victoire » que nul n’aurait pu imaginer. Tout cela est dû à mon engagement résolu à agir pour kosen rufu et pour mes amis pratiquants.

Les aînés dans la foi ont comme responsabilité de montrer la victoire, pour leurs compagnons de pratique qui luttent vaillamment pour kosen rufu. Par victoire, je n’entends pas, bien évidemment, les signes extérieurs du succès mondain, ni les honneurs superficiels. La véritable victoire apparaît lorsque nous parvenons à ce noble état sans couronne où nous avons, avec joie et confiance, accompli notre mission dans la vie en tant qu’être humain et en tant que pratiquant du bouddhisme de Nichiren.

Le printemps est la saison où les fleurs s’épanouissent. Mais, pour parvenir à cet épanouissement, le froid de l’hiver leur est nécessaire. Que se passerait-il s’il n’y avait pas d’hiver ?

En automne, les plantes qui fleurissent au printemps se préparent à entrer dans une période d’endormissement ou de revitalisation. Elles commencent à stocker leur énergie pour le printemps à venir. S’il advient une période de chaleur soudaine durant leur sommeil hivernal et si alors elles s’éveillent, les bourgeons attendant l’arrivée du printemps commencent à s’ouvrir – bien que le temps ne soit pas encore venu – et, quand revient le froid de l’hiver, ils se dessèchent et meurent. Pour éviter pareil événement, les plantes ne fleurissent pas avant d’avoir affronté pleinement les rigueurs de l’hiver. Telle est la « sagesse » des plantes, qui leur permet de fleurir au printemps.

La vie et la pratique bouddhique suivent également ce principe. L’hiver des épreuves est le moment de « recharger nos batteries » et de développer la maîtrise de soi, avant l’arrivée d’un merveilleux printemps. C’est dans les hivers de la vie que s’emmagasine l’énergie éternelle et indestructible pour atteindre la bouddhéité et que se forge une force vitale aussi vaste que l’univers. De plus, cette énergie s’accroît en réponse à l’adversité et aux épreuves. Tous ceux qui pratiquent l’enseignement bouddhique correct connaîtront, à coup sûr, la venue du printemps.

Mais si, dans les phases difficiles des hivers de la vie, nous essayons de nous détourner ou remettons en doute le monde de la foi plutôt que de renforcer notre croyance et que, de ce fait, nous n’accumulons pas suffisamment de force et de bonne fortune, nous ne parviendrons jamais nulle part, et nous ne pourrons pas davantage mener une vie véritablement satisfaisante. Le point crucial est : quels défis nous lançons-nous et jusqu’à quel point passons-nous notre temps de manière significative durant les hivers de l’existence ? L’important est de vivre avec la conviction profonde que le printemps arrivera, à coup sûr. Dans le monde de la nature, le printemps des fleurs vient toujours le moment venu. Tel est le rythme de la vie et de l’univers. Mais bien trop de gens dans le monde sont encore au cœur de l’hiver lorsqu’ils atteignent la fin de leur vie. Pour éviter un tel destin, il nous faut mettre notre vie au rythme de l’univers, qui génère le printemps. C’est notre pratique bouddhique, fondée sur la foi dans la Loi merveilleuse, qui nous permet de réaliser cela.

En ce sens, la foi dans la Loi merveilleuse fonctionne comme des ailes qui se déploient vers le bonheur éternel. Chaque fois que nous surmontons des difficultés, nous accumulons de la bonne fortune et élevons notre état de vie. En atteignant la bouddhéité en cette existence, nous pouvons nous envoler sereinement à travers les vastes cieux de la vie, dans un état de bonheur et d’épanouissement suprêmes pour toute l’éternité. Tel est l’enseignement du bouddhisme et le rythme de la vie.

Extrait d’un discours prononcé à la réunion des responsables, Tokyo, le 29 avril 1990

La Sagesse pour créer le bonheur et la paix est une compilation des écrits de Daisaku Ikeda sur une base thématique.

  • *1Dix filles rakshasa : Dix divinités féminines protectrices qui apparaissent dans le chapitre « Dharani » du Sûtra du Lotus (26e), où elles sont présentées comme les « filles des démons rakshasa » ou « les dix filles rakshasa ». Elles font devant le Bouddha le vœu de garder et de protéger les pratiquants du Sûtra.
  • *2Nichiren avait été gracié l’année précédente, en mars 1274. Il résidait au mont Minobu lorsqu’il écrivit, en mai 1275, cette lettre intitulée L’hiver se transforme toujours en printemps.