Volume 30 : Chapitre 6, Serment 51–60

Serment 51

Durant l’été 1990, les membres du département de la jeunesse de la Soka Gakkai œuvrèrent sans relâche à la préparation du festival culturel qui devait se dérouler le 2 septembre au Temple principal, afin de célébrer le 700e anniversaire de la fondation du Taiseki-ji. Cet événement marquait le début d’une série d’autres manifestations, notamment d’importantes cérémonies prévues en octobre.

Le soir du 2 septembre, le festival intitulé Que brille dans les cieux la lumière du bonheur se déroula sur la vaste esplanade devant le Grand Hall de réception, dans l’enceinte du Temple principal.

Parmi l’assistance se trouvaient le grand patriarche Nikken, l’administrateur général de la Nichiren Shoshu, des hauts responsables et de nombreux autres moines et, pour la Soka Gakkai, le président honoraire Shin’ichi Yamamoto, le président Eisuke Akizuki, le directeur général Kazumasa Morikawa, les vice-présidents et d’autres représentants.

Le festival comportait de magnifiques spectacles, interprétés avec enthousiasme par les membres du département des artistes et celui de la jeunesse, notamment de la musique et des danses japonaises traditionnelles, ainsi que des ballets.

Des membres de soixante-sept pays et territoires défilèrent dans leurs costumes traditionnels, sous les applaudissements chaleureux et nourris des spectateurs.

Shin’ichi applaudit aussi à tout rompre, en souhaitant répondre au cœur pur des pratiquants qui saluaient le public avec de grands sourires. Leur rayonnement traduisait leur vœu d’accomplir le kosen rufu mondial.

Nikken s’était assis à côté de Shin’ichi, et semblait se réjouir en regardant les divers numéros.

En cet instant, personne n’aurait pu imaginer que, en décembre de la même année, le clergé mettrait à exécution un plan destiné à couper Shin’ichi des membres, et à détruire la Soka Gakkai.

Après le festival célébrant le 700e anniversaire de la fondation du Taiseki-ji, toute une série d’événements attendaient Shin’ichi : la réception des membres d’une délégation chinoise qui s’était rendue au Japon pour assister à une conférence non gouvernementale entre le Japon et la Chine ; la 12e réunion générale de la SGI, ainsi que des entrevues avec le directeur du musée d’Art de São Paulo, le secrétaire général adjoint à l’information publique des Nations unies, le fondateur de l’Organisation internationale pour le développement culturel de l’Inde (OIDC), et d’autres personnalités.

Nichiren écrit : « Le Soleil se lève à l’est, signe de bon augure qui atteste que le bouddhisme du Japon est destiné à retourner au pays de la Lune [l’Inde]. » (WND-II, 936), exprimant ainsi sa vision de la réalisation du kosen rufu mondial pour garantir la paix sur notre planète.

Shin’ichi ne cessa de déployer des efforts sincères pour ouvrir la voie vers la réalisation de cet objectif. Pour lui, chaque jour était un pas significatif vers la construction de la paix.

Serment 52

Le 21 septembre, Shin’ichi Yamamoto se rendit en Corée du Sud pour la première fois. L’exposition « Chefs-d’œuvre de la peinture occidentale », qui comportait des œuvres de la collection du musée d’art Fuji de Tokyo, devait être présentée à la galerie Ho-Am, au siège du journal Joong-ang Ilbo [l’un des plus grands quotidiens coréens], à Séoul. Shin’ichi assista à l’inauguration de cette exposition, en tant que fondateur du musée d’art Fuji.

Shin’ichi considérait la Corée comme un bienfaiteur du Japon sur le plan culturel. C’était la première fois que la collection de peintures occidentales du musée d’art Fuji de Tokyo était exposée en dehors du Japon, et cet événement avait lieu à Séoul. C’était pour Shin’ichi une manière de s’acquitter, ne serait-ce qu’un peu, de la dette de reconnaissance envers la Corée.

Par ailleurs, il était convaincu que les échanges culturels, consistant à partager les grands trésors de l’humanité, permettraient d’approfondir l’entente et la compréhension mutuelle et favoriseraient l’amitié entre le Japon et la Corée du Sud. Il pensait aussi que le public pourrait ainsi mieux comprendre la Soka Gakkai, en tant qu’organisation favorisant les échanges et les initiatives communes en faveur de la paix, de la culture et de l’éducation, sur la base des idéaux humanistes du bouddhisme de Nichiren, et que ce serait une source d’encouragement pour les pratiquants.

Après avoir quitté Séoul, le 22 septembre, Shin’ichi se rendit dans les préfectures de Fukuoka, Saga, Kumamoto et Kagoshima, sur l’île de Kyushu [la plus méridionale des quatre îles principales du Japon]. Il retourna à Tokyo le 2 octobre.

Les 6 et 7 octobre, il assista à la séance d’ouverture de la grande cérémonie célébrant le 700e anniversaire de la fondation du Taiseki-ji. Dans la période précédant cet événement, la Soka Gakkai avait parrainé d’importants travaux de rénovation et de réparation du Sho-Hondo et avait fait construire et offert deux nouveaux ensembles de logements dans l’enceinte du Temple principal.

Le 7 octobre, second jour de la séance d’ouverture, se déroula la cérémonie d’allumage du lustre, suspendu devant l’autel bouddhique du Grand Hall de réception. Cet immense lustre, que la Soka Gakkai avait offert au Temple principal à l’initiative de Shin’ichi, avait la forme d’un lotus à huit pétales et mesurait 5,40 mètres de diamètre et 3,45 mètres de hauteur. Lorsque Shin’ichi appuya sur l’interrupteur, la décoration ajourée et le verre sculpté étincelèrent d’une lumière dorée.

S’exprimant en sa qualité de président du comité des cérémonies, Shin’ichi affirma sa ferme détermination : « Nichiren écrivit ceci à Nanjo Tokimitsu, son éminent disciple laïc qui fit don d’un terrain pour la construction du Temple principal : “On peut dire que seul celui qui a rencontré de grandes persécutions a maîtrisé le Sûtra du Lotus.” (Écrits, 805) Tant que nous serons en vie, nous sommes déterminés à conserver cette conviction inébranlable, exprimée par Nichiren, sans craindre aucune persécution dans nos efforts pour transmettre l’enseignement correct ; ou, plutôt, nous considérons toutes les grandes persécutions comme notre plus grand honneur. »

De fait, une grande persécution allait bientôt s’abattre sur la Soka Gakkai.

Serment 53

Dans son sermon prononcé le premier jour de la séance d’ouverture de la grande cérémonie célébrant le 700e anniversaire de la fondation du Taiseki-ji, et dans son discours de félicitations le lendemain, le grand patriarche Nikken fit l’éloge des réalisations de la Soka Gakkai. Le premier jour, il déclara notamment : « L’essor de cette organisation laïque qu’est la Soka Gakkai a joué ces dernières années un rôle primordial dans la diffusion de l’enseignement correct à travers le Japon et le monde entier. »

La séance d’ouverture une fois achevée, Shin’ichi Yamamoto se rendit immédiatement dans la préfecture d’Aichi pour y encourager les pratiquants. Puis, les 12 et 13 octobre, il retourna au Temple principal afin d’assister aux plus importantes manifestations liées à l’anniversaire de sa fondation.

Le second et dernier jour, Nikken remit à Shin’ichi un certificat de reconnaissance et une liste d’objets commémoratifs, en remerciement pour son dévouement et son soutien exceptionnel à la Nichiren Shoshu, en tant que président du comité des cérémonies pour le 700e anniversaire.

Mais, peu de temps après, Nikken et ses partisans mirent en œuvre leur complot pour détruire la Soka Gakkai.

Après avoir participé à ces célébrations, Shin’ichi s’absorba de nouveau dans ses dialogues avec des personnalités éminentes du monde entier évoluant dans les domaines les plus divers. Il rencontra le recteur de l’université d’Ankara, Necdet Serin, et son épouse, Semiramis ; Johan Galtung, spécialiste de la science de la paix ; Cornell Capa, directeur du Centre international de la photographie de New York et son épouse, Edie ; et Fabio Roversi Monaco, recteur de l’université de Bologne, la plus ancienne université d’Europe.

Maintenant que la guerre froide avait pris fin, Shin’ichi consacrait ses journées à construire de nouveaux ponts pour la paix en vue du XXIe siècle.

Le 13 décembre, il s’entretint avec Sverre Lodgaard, directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO), dans les locaux du journal Seikyo. Leur discussion porta notamment sur une proposition pour la sécurité de l’environnement de Sverre Lodgaard. La protection de l’environnement et le désarmement représentaient, selon lui, les deux domaines où il fallait absolument accomplir des efforts pour garantir la paix et la sécurité.

À son tour, Shin’ichi présenta le concept bouddhique de non-dualité de la vie et de son environnement, en soulignant que la cause fondamentale des problèmes, tels que la destruction de l’environnement, la famine, la maladie et la guerre, qui déstabilisent la société, se trouve dans l’impureté présente dans la vie des gens, qui corrompt leur bonté intrinsèque. Et il ajouta : « Transformer et purifier notre vie représentent la voie sûre pour parvenir à la paix. Les efforts concrets pour réaliser ce type de “révolution humaine”, en se fondant sur les enseignements et les principes du bouddhisme de Nichiren, sont au cœur du mouvement pour la paix, l’éducation et la culture de la SGI. »

Serment 54

Le 13 décembre, au moment où Shin’ichi Yamamoto rencontrait le directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO), Sverre Lodgaard, une réunion de coordination entre la Soka Gakkai et les moines de la Nichiren Shoshu avait lieu dans un temple de l’arrondissement de Sumida, à Tokyo. La Soka Gakkai était représentée par son président, Eisuke Akizuki, et d’autres responsables, et les moines par leur administrateur général, Nichijun Fujimoto, et d’autres.

Alors que la conférence touchait à sa fin, l’administrateur général tendit une enveloppe au président Akizuki. Il lui expliqua que les moines avaient préparé une liste de questions à partir d’une cassette qu’ils avaient reçue, concernant le discours prononcé par Shin’ichi à la réunion générale des responsables du mois précédent, le 16 novembre, qui célébrait le 60e anniversaire de la fondation de la Soka Gakkai. Les moines exigeaient une réponse écrite à leurs questions.

Une telle requête était aussi soudaine qu’inattendue, et les responsables de la Soka Gakkai ne purent saisir aussitôt les intentions du clergé.

Akizuki répondit que si les moines avaient des questions, il valait mieux en discuter dans une réunion de coordination plutôt que d’échanger des questions et réponses sous forme écrite. L’administrateur général promit d’y réfléchir et reprit l’enveloppe.

Mais par la suite, le 16 décembre, le clergé envoya par la poste une lettre à la Soka Gakkai, où il était dit : « Nous exigeons une réponse écrite officielle à nos questions. Elle devra parvenir au bureau administratif de la Nichiren Shoshu dans un délai de sept jours à partir de la réception de ce courrier. »

Dans son discours, Shin’ichi avait évoqué comment transmettre les enseignements et promouvoir les activités afin de développer la Soka Gakkai pour en faire un mouvement religieux d’envergure mondiale. Cependant, les questions des moines ne tenaient aucun compte de cette intention première. Ils ne faisaient que pinailler sur des questions mineures.

Shin’ichi avait aussi proposé de développer à grande échelle l’interprétation de l’Hymne à la joie en allemand par des chorales de la Soka Gakkai, et le clergé affirmait notamment dans sa lettre que chanter l’Hymne à la joie en allemand constituait un hommage au Dieu chrétien et enfreignait les intentions sacrées de Nichiren.

Le 16 décembre, Shin’ichi assista à une nouvelle réunion générale des responsables, qui se tenait conjointement avec la première réunion générale du département des hommes. Comme elle avait lieu le jour de la célébration du 220e anniversaire de la naissance de Beethoven, Shin’ichi évoqua le mode de vie héroïque du compositeur allemand, qui incarnait sa conviction selon laquelle le royaume de son esprit s’étendait jusqu’aux cieux.

Pourquoi Beethoven a-t-il pu continuer de composer, en dépit de toutes ses souffrances personnelles ? Shin’ichi était convaincu que c’était parce qu’il souhaitait partager avec ceux qui étaient dans la pauvreté et le désespoir, ainsi qu’avec les générations futures, l’état de vie joyeux auquel il était parvenu. Il avait le sentiment que l’esprit de ce compositeur était très proche de celui de la Soka Gakkai.

Serment 55

En réponse au document du clergé, intitulé « Questionnaire », la Soka Gakkai envoya le 23 décembre une lettre dans laquelle elle exprimait le souhait d’« approfondir la compréhension mutuelle par le dialogue ». De plus, l’organisation chercha sincèrement à obtenir des éclaircissements sur des questions et problèmes liés au clergé, qui avaient longtemps troublé la Soka Gakkai alors qu’elle s’efforçait de maintenir des relations harmonieuses entre les moines et les laïcs. Au total, neuf points étaient mentionnés, notamment des déclarations du grand patriarche lorsque Eisuke Akizuki l’avait rencontré avec Shin’ichi Yamamoto, ainsi que les comportements incorrects de nombreux moines.

Le clergé répondit en ces termes dans une lettre datée du 26 décembre : « Nous considérons que votre demande d’éclaircissement en neuf points, contenant des accusations sans fondement et prenant la forme d’un questionnaire, est absolument honteuse… Cela indique que vous n’avez pas l’intention de présenter des réponses écrites sincères à propos du discours du 16 novembre. »

Le 27 décembre, le clergé organisa une réunion spéciale du Conseil de la Nichiren Shoshu et modifia les règles de l’ordre. L’une des modifications consistait à fixer à cinq ans le mandat du représentant principal de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu, qui jusqu’alors n’avait pas de durée limitée, et à trois ans le mandat des autres représentants laïcs (notamment celui des représentants laïcs aînés). Le clergé ajouta également un article qui permettait de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des croyants laïcs « qui critiquent, diffament ou calomnient l’administrateur en chef [c’est-à-dire le grand patriarche] oralement, par écrit, ou de toute autre façon ».

Ces modifications des règles de l’ordre, qui entraient immédiatement en application, stipulaient que « le statut de tous ceux qui détenaient jusqu’à présent des postes de direction au sein de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu était abrogé ». En d’autres termes, Shin’ichi, le représentant principal des laïcs, et Akizuki, Morikawa, ainsi que plusieurs autres responsables de la Soka Gakkai, qui figuraient parmi les représentants laïcs aînés, furent démis de leurs fonctions.

L’objectif de la Nichiren Shoshu était clair. En prenant pour prétexte la révision des règles de l’ordre, elle avait l’intention de supprimer le rôle de Shin’ichi au sein de l’école et, en définitive, de détruire la Soka Gakkai, en soumettant tous ses membres à l’autorité des moines.

La Nichiren Shoshu annonça le changement de statut du représentant principal et des représentants laïcs aînés aux médias le 28 décembre – c’est-à-dire avant que les personnes concernées aient reçu elles-mêmes une notification officielle.

Ce jour-là, juste avant la fin de l’année, Shin’ichi rencontra Duan Wenjie, le directeur de l’Académie de recherche de Dunhuang en Chine, au siège du journal Seikyo, à Tokyo, et il évoqua avec lui l’esprit bouddhique consistant à toujours faire du bonheur des personnes ordinaires la priorité.

Alors que ceux qui l’entouraient étaient contrariés et révoltés par les actions du clergé, Shin’ichi poursuivait ses efforts pour engager le dialogue avec de grands penseurs du monde entier afin de promouvoir la paix et la culture. En pensant à l’avenir de l’humanité, il avançait sans cesse sur la voie de ses convictions.

Serment 56

Les membres de la Soka Gakkai apprirent par les journaux et d’autres médias que Shin’ichi Yamamoto et les principaux responsables de la Soka Gakkai avaient été démis de leurs fonctions de représentant principal et représentants aînés de l’ensemble des organisations laïques, à la suite d’une révision des règles de la Nichiren Shoshu.

Ils furent surpris par la tournure tout à fait inattendue prise par les événements et éprouvèrent de la colère envers le clergé.

« Pourquoi les moines ont-ils accompli un acte aussi insensé ? » « N’est-ce pas le président Yamamoto qui a permis à la Nichiren Shoshu de parvenir à un tel développement ? Comment peuvent-ils le révoquer de son poste de représentant principal des laïcs sans même en discuter ? »

La notification officielle annonçant à Shin’ichi et aux autres responsables qu’ils étaient démis de leurs fonctions au sein des organisations laïques de la Nichiren Shoshu arriva le 29 décembre. Malgré les nombreuses activités de fin d’année, la Soka Gakkai agit rapidement, en organisant de toute urgence des réunions des responsables au niveau des arrondissements et des préfectures de tout le Japon pour expliquer la situation avec le clergé.

Comme l’a déclaré Martin Luther King (1929-1968), le héros du mouvement des droits civiques américains : « Nous devons agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard1. »

La nouvelle année commença – 1991 avait été appelée « Année de la paix et du développement » au sein de la Soka Gakkai.

Shin’ichi écrivit des poèmes pour le Nouvel An, qui parurent dans diverses publications de la Soka Gakkai, notamment celui-ci publié dans le journal Seikyo :

Réjouissons-nous
et célébrons
la nouvelle année ensemble,
avec un cœur brillant
et un courage intrépide.


Il y eut aussi trois poèmes publiés dans le Daibyakurenge, mensuel d’étude de la Soka Gakkai, notamment celui-ci :

Libres et sans contrainte,
nous n’avons peur de rien
et nous surmontons joyeusement
les tempêtes et les vents violents
de la jalousie.


Les membres de la Soka Gakkai tinrent des réunions du Nouvel An animées dans les centres de tout le Japon, ainsi que dans soixante-quinze pays et territoires à travers le monde, et prirent un départ plein d’espoir pour la nouvelle année.

À l’annexe du siège de la Soka Gakkai, Shin’ichi échangea des vœux de Nouvel An avec les représentants des divers départements qui avaient participé aux cérémonies de Gongyo et leur offrit des encouragements.

Il leur dit alors : « Ouvrons la porte à une nouvelle ère du kosen rufu mondial ! Faisons face et élançons-nous courageusement dans la tempête. »

Serment 57

Le 2 janvier 1991, le président de la Soka Gakkai, Eisuke Akizuki, et le directeur général Kazumasa Morikawa se rendirent au Temple principal pour demander un rendez-vous avec Nikken, mais cette demande fut rejetée. La Nichiren Shoshu continua par la suite à repousser les propositions de dialogue de l’organisation laïque, en déclarant notamment que les dirigeants de la Soka Gakkai « n’étaient pas dignes d’être reçus en audience » par le grand patriarche.

Une autre lettre fut envoyée par le clergé le 12 janvier.

Plusieurs citations attribuées à Shin’ichi Yamamoto dans le questionnaire original, sur lesquelles s’appuyaient les critiques du clergé, contenaient en fait de graves inexactitudes. D’autres questions montraient que les moines avaient à l’évidence mal compris le sens des propos de Shin’ichi, et d’autres encore reposaient sur des rumeurs sans aucun fondement.

La lettre du 12 janvier était une réponse au questionnaire de la Soka Gakkai, qui soulignait ces erreurs spécifiques. Les moines en reconnurent un certain nombre et retirèrent plusieurs questions. De ce fait, la base même de leurs arguments s’effondrait.

Les moines refusèrent pourtant de modifier les mesures insensées prises à l’encontre de la Soka Gakkai, et allèrent jusqu’à prétendre que, pour ce qui est des relations entre le clergé et les laïcs, « l’affirmation [par la Soka Gakkai] que tous les êtres sont fondamentalement égaux et sa prétention à promouvoir l’unité harmonieuse entre moines et laïcs en s’appuyant sur cette égalité supposée étaient le signe d’une arrogance grossière et constituaient l’une des cinq fautes cardinales2 – à savoir semer la discorde au sein de la communauté bouddhiste ».

Cette déclaration du clergé ne pouvait rester sans réponse car cela n’aurait fait qu’entraîner une distorsion des principes fondamentaux du bouddhisme de Nichiren et entraver considérablement le mouvement du kosen rufu mondial.

La Soka Gakkai exigea des excuses publiques. Elle souligna également qu’il y avait plusieurs erreurs plus graves encore dans la première lettre du clergé et demanda à ce dernier une réponse à ce sujet.

La Nichiren Shoshu rejeta les demandes répétées de dialogue de la Soka Gakkai, bien que Nichiren ait été lui-même un ardent défenseur du dialogue, comme en témoigne son traité Sur l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays, dans lequel il écrit : « Voyons cette question en détail. » (Écrits, 8) Nichiren nous a enseigné l’importance d’être ouvert au dialogue avec tout le monde et de promouvoir la compréhension, la sympathie et l’harmonie par la raison et la logique. Sa position était exactement à l’opposé de celle consistant à imposer sa volonté aux autres par des pressions extérieures, telles que la force des armes ou le pouvoir et l’autorité.

Le dialogue est la marque de l’humanisme bouddhique, et le rejeter équivaut à rejeter l’esprit même de Nichiren. La Soka Gakkai est parvenue à élargir considérablement le monde de kosen rufu grâce à des efforts constants auprès des personnes ordinaires fondés sur le dialogue, notamment à travers les visites au domicile des pratiquants, les réunions en petits groupes et les réunions de discussion.

Serment 58

L’engagement de la Soka Gakkai en faveur du dialogue repose sur une philosophie prônant le respect de tous les peuples et sur sa foi en l’humanité. Elle s’appuie sur les principes égalitaires du bouddhisme de Nichiren, qui enseigne que tous les êtres humains possèdent également la nature de bouddha et ont une noble mission à accomplir.

Mais Nikken et le clergé de la Nichiren Shoshu allaient à l’encontre de ces enseignements, en adoptant plutôt l’attitude propre au système historique danka3 du Japon, consistant à considérer les moines comme supérieurs aux laïcs. Ils cherchèrent à imposer ce point de vue à la Soka Gakkai et à y soumettre ses membres.

Le Sûtra du Lotus, auquel Nichiren accorde une importance majeure, est un enseignement de l’égalité, qui refuse et supprime toute discrimination fondée sur le statut social ou sur d’autres normes. Cela transparaît clairement lorsqu’il est dit que les personnes des deux véhicules – les auditeurs et les éveillés-à-la-causalité – ainsi que les femmes peuvent atteindre l’illumination4. C’est la raison pour laquelle les penseurs du monde entier ont beaucoup d’estime pour le bouddhisme, qui enseigne le respect de la dignité de la vie, et promeut l’harmonie et la paix pour toute l’humanité.

Nichiren a aussi clairement proclamé l’égalité de tous, qui transcende les distinctions entre moines et laïcs, ou entre hommes et femmes, en déclarant : « Quiconque enseigne aux autres ne serait-ce qu’une phrase du Sûtra du Lotus est l’envoyé de l’Ainsi-Venu [le bouddha Shakyamuni], qu’il s’agisse d’un moine ou d’une nonne, d’un laïc homme ou femme. » (Écrits, 33-34)

L’objet du bouddhisme de Nichiren est de permettre aux êtres humains de devenir heureux. Ne pas dénoncer les tentatives du clergé de déformer les principes essentiels du bouddhisme aurait eu pour conséquence de laisser sévir un autoritarisme anachronique. Cela aurait entraîné une discrimination injuste et provoqué confusion et malheur.

Cela aurait pu également conduire à la destruction des enseignements corrects. En s’appuyant sur les écrits bouddhiques, Nichiren déclare : « Le Bouddha annonce dans une prophétie que les ennemis de ses enseignements ne seront pas des hommes mauvais […] Il affirme que ce sont des moines à l’apparence d’arhat5, prétendant posséder les trois sortes de clairvoyance et les six pouvoirs transcendantaux6, qui tenteront de détruire ses enseignements corrects. » (WND-II, 388)

De plus, la Soka Gakkai s’inquiétait beaucoup du manque d’ouverture du clergé à la culture. L’attitude dogmatique et sectaire des moines dans ce domaine ne se limitait pas au rejet de l’Hymne à la joie de Beethoven.

Le Daibyakurenge, le mensuel d’étude de la Soka Gakkai, avait un jour publié une photo d’un élément de l’exposition « Prince’s Trust : les costumes de cérémonie du Royaume-Uni – trois siècles d’histoire », qui devait être présentée au musée d’art Fuji de Tokyo. Il s’agissait d’une photo du manteau et des insignes de l’ordre de la Jarretière [la plus haute distinction conférée par le roi ou la reine d’Angleterre]. Lorsqu’un moine supérieur de la Nichiren Shoshu vit cette photo, il protesta parce qu’on y apercevait une croix chrétienne brodée symboliquement sur le manteau.

Sans une juste perception des traditions et de la culture propres aux autres pays, régions et peuples, la compréhension mutuelle est impossible. Le respect de la culture est le respect de l’être humain.

Serment 59

Tous les domaines de l’activité humaine, notamment la culture et les arts, les coutumes et les traditions, ont été influencés à un degré plus ou moins grand par la religion.

Le calendrier occidental désigne l’année de naissance de Jésus-Christ comme l’an 1, et la convention consistant à considérer le dimanche comme un jour de repos découle aussi de la tradition chrétienne. L’usage des vitraux s’est développé pour embellir et magnifier les églises chrétiennes et, de ce fait, ils représentent aussi un produit de la culture chrétienne. De nombreux bâtiments et styles architecturaux occidentaux ont également des liens profonds avec le christianisme. Quiconque rejetterait tous ces aspects en raison de leur association avec le christianisme trouverait presque impossible de vivre au sein d’une société.

Le bouddhisme enseigne le précepte d’adaptation aux coutumes locales et aux usages de l’époque, et appelle donc les pratiquants à respecter les coutumes, traditions et normes actuelles de chaque pays et région, tant que celles-ci ne vont pas à l’encontre des principes fondamentaux du bouddhisme.

En d’autres termes, à partir du moment où cela n’implique pas d’aller à l’encontre des principes fondamentaux du bouddhisme de Nichiren – croire dans le Gohonzon de Nam-myoho-renge-kyo, qui est le cœur même du Sûtra du Lotus ; s’entraîner dans la foi, la pratique et l’étude ; et se consacrer à la réalisation de la mission de kosen rufu –, nous devrions adopter un comportement souple envers les coutumes et la culture locales.

Notre foi s’exprime dans la société. Le kosen rufu mondial n’est possible que lorsque chaque personne qui pratique la Loi merveilleuse respecte la culture, en tant que produit de la sagesse humaine, et gagne la confiance des autres en participant activement à tous les aspects de la société.

Le poème de Schiller, mis en musique par Beethoven dans son Hymne à la joie, contient l’expression « les dieux » (all. Götter), sans que cela constitue un éloge à un dieu ou à une religion en particulier.

En décembre 1987, Shin’ichi écouta un orchestre et une chorale de 500 membres du département des étudiants interpréter la Neuvième Symphonie de Beethoven, notamment l’Hymne à la joie, pour célébrer le 30e anniversaire de la création de leur département. Il n’oublia jamais combien cette prestation l’avait profondément ému.

Lors de la réunion générale des responsables destinée à célébrer le 60e anniversaire de la fondation de la Soka Gakkai (en novembre 1990), Shin’ichi avait proposé que l’Hymne à la joie soit interprété par 50 000 personnes à l’occasion du 65e anniversaire de la Soka Gakkai, et par 100 000 personnes pour le 70e anniversaire. Il avait également suggéré que cet hymne soit chanté non seulement en japonais, mais aussi en allemand.

La musique et même l’art en général transcendent les barrières nationales et ethniques, résonnent dans le cœur des gens et les réunissent.

Serment 60

L’Hymne à la joie est reconnu dans le monde entier comme un hymne à la gloire de l’humanité et de la liberté.

En 1989, « la révolution de velours » en Tchécoslovaquie a mis fin au régime communiste sans effusion de sang, et, le 14 décembre, un concert eut lieu à Prague, la capitale du pays, pour célébrer cet événement. Lors de ce concert, la Neuvième Symphonie de Beethoven fut interprétée, et un chœur chanta l’Hymne à la joie.

À la fin de la représentation, l’auditorium trembla sous les applaudissements, qui se poursuivirent sans relâche quand Václav Havel, le nouveau président de Tchécoslovaquie, monta sur scène. Le public scanda son nom, « Havel ! Havel ! ». La Neuvième Symphonie exprimait la joie que les gens éprouvaient dans leur cœur.

Les 23 et 25 décembre, après la chute du mur, deux concerts eurent lieu à Berlin pour célébrer la fin de la séparation entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest. Une fois de plus, la Neuvième Symphonie de Beethoven fut interprétée en cette occasion.

L’orchestre était composé de plusieurs ensembles. À l’Orchestre symphonique de la radiodiffusion bavaroise, se joignirent des musiciens d’Allemagne de l’Est et de l’Ouest, ainsi que des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et d’Union soviétique – les quatre nations qui avaient administré Berlin après la Seconde Guerre mondiale, avant que le mur ne soit construit.

La Neuvième Symphonie de Beethoven et son Hymne à la joie sont de véritables symboles du triomphe de la liberté et de l’unité.

De nombreux chercheurs et penseurs se sont élevés contre l’objection de la Nichiren Shoshu selon laquelle chanter l’Hymne à la joie en allemand constituait « un éloge des enseignements non bouddhiques ». Ils ont souligné qu’une telle conception faisait totalement abstraction de l’universalité et de la portée culturelle de cette grande œuvre.

Le philosophe japonais, spécialiste de Nietzsche, Haruo Kawabata, de l’Institut de technologie de Shibaura, a fait à ce sujet le commentaire suivant : « L’art est une sublimation de l’esprit humain universel. Le soumettre aux concepts d’un dogmatisme religieux mesquin et condamner ceux qui l’apprécient en les considérant comme des “hérétiques” est un exemple de l’étroitesse d’esprit et de l’autosatisfaction qui ont produit les chasses aux sorcières d’antan7. »

Le fait que Schiller ait mis le mot « dieu » au pluriel dans son poème, ajoute-t-il, indique qu’il ne loue pas ici le Dieu chrétien monothéiste, mais se réfère aux dieux de la Grèce antique, présentés comme des symboles d’idéal spirituel et comme la représentation des plus hautes qualités de l’esprit humain. Selon Kawabata, Schiller a fait ce choix parce qu’il ne pouvait énoncer de nouvelles idées qu’en utilisant les modes d’expression existants8.

  • *1Martin Luther King, Jr., A Call to Conscience: The Landmark Speeches of Dr. Martin Luther King, Jr. (Un appel à la conscience : les discours historiques du Dr Martin Luther King Jr), édité par Clayborne Carson et Kris Shepard, New York, Warner Books, 2001, p. 50.
  • *2Cinq fautes cardinales : les cinq offenses les plus graves selon le bouddhisme. Leur liste varie selon les sûtras et traités. La version la plus usuelle est : 1) tuer son père ; 2) tuer sa mère ; 3) tuer un arhat ; 4) blesser un bouddha ; 5) semer la discorde au sein de la communauté bouddhiste. On dit que ceux qui commettent l’une de ces cinq fautes cardinales tombent invariablement dans l’enfer des souffrances incessantes.
  • *3Système historique danka du Japon : Afin de contrôler la population, le shogunat d’Edo imposa à tous les habitants d’appartenir à des temples de diverses écoles bouddhistes, faisant d’eux des danka. Ce système fut ensuite utilisé pour établir les registres familiaux.
  • *4Avant le Sûtra du Lotus, les enseignements provisoires du Mahayana décrétaient que les personnes des deux véhicules, les femmes et les personnes mauvaises ne pouvaient pas atteindre l’illumination. Le Sûtra du Lotus rejette cette idée en ouvrant la possibilité aux personnes de ces trois catégories, et à tous les êtres humains sans exception d’atteindre la bouddhéité.
  • *5Arhat : celui qui a atteint l’illumination telle qu’elle est conçue dans le bouddhisme hinayana. Le terme sanscrit arhat signifie « digne de respect ».
  • *6Trois sortes de clairvoyance : la capacité à connaître le passé, à prévoir l’avenir et à éradiquer les illusions, pouvoirs que l’on prête aux bouddhas et aux arhat.
    Les six pouvoirs transcendantaux ou six pouvoirs surnaturels sont des pouvoirs attribués aux bouddhas, bodhisattvas et arhat. Ce sont : 1) le pouvoir de se trouver où l’on veut ; 2) le pouvoir de voir n’importe quoi n’importe où ; 3) le pouvoir d’entendre n’importe quel son n’importe où ; 4) le pouvoir de connaître les pensées de tous les autres esprits ; 5) le pouvoir de connaître les vies passées ; 6) le pouvoir d’éradiquer les illusions.
  • *7Tiré d’un article paru dans le journal Seikyo du 24 janvier 1991.
  • *8Ibid.