Volume 30 : Chapitre 4, Cloches de l’aube 31–40
Cloches de l’aube 31
Shin’ichi se réjouissait surtout de constater le développement remarquable de l’organisation italienne au cours des vingt dernières années.
Un Japonais svelte se précipita dans la salle, en qualité de membre de l’équipe de soutien à l’événement. Il s’appelait Yasuo Kojima. Quatorze ans plus tôt, Shin’ichi l’avait encouragé dans l’ascenseur de son hôtel à Rome. À l’époque, Kojima était étudiant en art. D’après le responsable du centre, M. Kanemitsu, M. Kojima était très actif à Rome et soutenait les membres. C’était l’un des principaux responsables du chapitre local.
Les personnes qui font sans relâche des efforts en coulisses pour soutenir les autres et encouragent les nouveaux membres de la jeunesse sont très importantes. La force et l’essor de l’organisation dépendent du nombre de ces personnes qui agissent dans l’ombre et épaulent la ou le responsable central. En définitive, kosen rufu est un travail d’équipe qui requiert l’unité.
Shin’ichi monta sur scène et prit le micro.
« De simples gouttes d’eau se rassemblent en ruisseaux dans les Alpes lointaines et s’écoulent à travers l’Italie pour se jeter dans le fleuve Pô et gagner finalement la mer Adriatique. Notre mouvement pour une renaissance de la vie ne commence peut-être qu’à peine à descendre des montagnes, mais j’affirme que, dans trente ou cinquante ans, il deviendra un fleuve majestueux, un nouveau courant puissant de paix pour l’humanité.
« À cette fin, chacune et chacun de vous doit assumer la responsabilité de kosen rufu et se dresser seul, sans dépendre des autres. Jour après jour, avancez avec constance, un pas après l’autre, en faisant appel à toutes vos facultés. L’accumulation de chacune de ces petites actions, de ces petits triomphes, aboutira à une victoire historique. »
Pour conclure, il déclara : « Restez joyeux, priez avec un cœur sincère, prenez soin de votre vie quotidienne et de votre santé. » Il exhorta tout le monde à « se joindre à la jeunesse du monde entier et à avancer courageusement pour la paix dans le monde ».
Ce soir-là, Shin’ichi échangea avec les membres. Il souhaitait que cet échange produise une vague de dialogues interreligieux prenant son origine en Italie et ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de l’harmonie humaine.
Cloches de l’aube 32
Le matin du 1er juin, Shin’ichi rencontra à son hôtel le président du Club de Rome, Aurelio Peccei. Rentré de Londres la veille, ce dernier avait quitté son domicile à Rome tôt ce matin-là et conduit seul sa voiture pendant quatre heures jusqu’à Florence. Bien qu’âgé de 72 ans, il ne montrait aucun signe de fatigue. Shin’ichi était frappé par son énergie et sa vigueur. Les personnes activement engagées dans la réalisation d’idéaux élevés conservent toute leur jeunesse.
Les deux hommes menaient un dialogue continu destiné à être publié. Ce jour-là, ils échangèrent leurs vues sur l’art de diriger et discutèrent également de la structure générale du livre.
Après cet échange, Shin’ichi se rendit au musée de la maison de Dante (Museo Casa di Dante) avec plusieurs jeunes Italiennes et Italiens. C’était un bâtiment en pierre de quatre étages, dont le mur extérieur était orné d’un buste de Dante.
Né à Florence en 1265, Dante Alighieri était l’un des plus grands poètes et penseurs italiens de l’époque médiévale. À l’âge de 30 ans, désireux de servir sa ville natale, il devint une personnalité politique influente et s’illustra rapidement dans ces fonctions. Cependant, pris dans un tourbillon de luttes politiques et de rivalités empreintes de jalousie, il fut accusé à tort de crimes et contraint à l’exil définitif.
Le cœur de Dante était consumé par la colère et par une volonté farouche de rectifier cette situation perverse où les mensonges, les machinations et les intrigues présentaient le bien comme le mal et le mal comme le bien. Il se lança dans la rédaction de La Divine Comédie, qui dépeint les royaumes de l’au-delà selon la théologie chrétienne médiévale.
Dans la vision présentée dans cette œuvre, la prétention et les mensonges des gens n’ont aucune valeur. Chacun reçoit la récompense ou la rétribution qui lui revient en fonction de ses actes dans la vie. Ceux qui ont commis de graves offenses – qu’ils aient été des figures politiques jouissant de popularité, d’éminents érudits, des généraux décorés ou des ecclésiastiques de haut rang – sont jugés avec une sévérité intransigeante et condamnés à l’enfer.
En dépeignant l’au-delà de la sorte, Dante espérait amener les êtres humains à méditer sur leur mode de vie.
Le bouddhisme enseigne la loi de cause et d’effet qui s’applique aux trois existences (la vie dans le passé, le présent et le futur). Les membres de la Soka Gakkai qui, jour après jour, suivent la voie du bien suprême, à savoir la voie de kosen rufu qui s’accorde avec cette loi, sont assurés d’atteindre un état de bonheur indestructible pour l’éternité.
Selon les mots de Nichiren : « Il a été bouddha dans la vie, et il l’est maintenant dans la mort. Il est bouddha dans la vie comme dans la mort. » (Écrits, 457) L’état de joie que nous atteignons dans la vie grâce à notre dévouement et à nos efforts inlassables pour remplir notre mission est éternel ; notre vie rayonnera de joie même après la mort.
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Dans La Divine Comédie, Dante dépeint les terribles conséquences qui attendent ceux qui, après la mort, sont jugés coupables de jalousie, de tromperie, d’arrogance, de violence, de mensonge et de trahison. Son poème épique est une dénonciation des maux qui causent aux êtres humains misère et souffrance.
Peu importe le statut, la célébrité ou l’opulence que les gens peuvent obtenir, s’ils ne se posent pas la question de la mort, ils ne seront pas en mesure de vivre correctement ou de jouir d’un bonheur véritable. Bon nombre des problèmes auxquels le monde est en proie aujourd’hui découlent du fait que les gens évitent de se poser la question primordiale de la mort et cherchent plutôt à satisfaire leurs désirs immédiats.
Shin’ichi était convaincu que, si les gens s’éveillaient au grand enseignement de l’éternité de la vie transmis par le bouddhisme, la société connaîtrait une nouvelle renaissance de la vie.
Après avoir visité le musée Dante, Shin’ichi se rendit avec le groupe de jeunes sur une colline de Fiesole, non loin du centre de Florence, et passa un bon moment à discuter avec eux.
« Le bouddhisme valorise le dialogue, dit-il. C’est rigoureusement le contraire du fait d’exiger l’obéissance des gens en les soumettant au joug du pouvoir ou de l’autorité des religieux. Shakyamuni recourait lui aussi au dialogue pour transmettre ses enseignements, et Nichiren accordait de même la plus haute importance au dialogue. Les réunions de discussion de la Soka Gakkai ont hérité de cet esprit. Si vous avez des questions à me poser, n’hésitez surtout pas. »
Les yeux pétillants, les jeunes posèrent de nombreuses questions à Shin’ichi, allant de Dante et ses écrits aux principes bouddhiques tels que l’« inséparabilité de la vie et de son environnement » et la « simultanéité de la cause et de l’effet ».
Après une pause, Shin’ichi contempla la ville qui s’étendait au loin. « Le jour viendra sûrement, dit-il, où la lumière de la Loi merveilleuse brillera aux fenêtres des nombreuses maisons que vous pouvez voir d’ici. Le temps de kosen rufu est venu. C’est le moment pour chacune et chacun d’entre vous de se dresser seul avec courage.
« Lorsque M. Toda a été nommé deuxième président de la Soka Gakkai, il n’y avait qu’environ 3 000 membres. Mais les jeunes, éveillés à leur mission pour kosen rufu, la lutte commune du maître et du disciple, se sont lancés dans l’action. En moins de sept ans, la Soka Gakkai avait atteint l’objectif de porter à 750 000 le nombre de foyers de pratiquants que M. Toda s’était promis de réaliser de son vivant.
« C’est grâce au dialogue courageux que cette victoire a pu être remportée. Nous avions une conviction profonde dans le bouddhisme de Nichiren. Nous nous appliquions à étudier ses enseignements et ses principes, et nous étions capables de les partager avec les autres avec clarté et logique. Nous étions aussi débordants d’enthousiasme. Le dialogue a le pouvoir de rassembler les gens et de créer une nouvelle ère. »
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Dans l’après-midi du 2 juin, Shin’ichi prit le train pour Milan à la gare Santa Maria Novella de Florence. Une centaine de membres s’étaient rassemblés pour lui souhaiter bon voyage.
Par la fenêtre du train, il vit de nombreux jeunes gens qui avaient l’air triste de le voir partir. Du regard, il les interpella silencieusement : « Je compte sur vous. C’est votre heure. »
Le train se mit en branle et les jeunes firent de grands gestes passionnés dans sa direction. Des larmes scintillaient dans bien des regards. Shin’ichi leur répondit par un signe de la main.
Lorsque la jeunesse se lève, les portes de l’avenir s’ouvrent.
En admirant le paysage urbain qui défilait devant ses yeux, Shin’ichi avait l’impression d’entendre sonner des cloches qui annonçaient l’aube d’une nouvelle renaissance, d’un nouveau siècle de la vie.
Les jeunes que Shin’ichi avait rencontrés à cette occasion connurent une croissance magnifique et apportèrent une contribution inestimable à la société italienne. Trente-cinq ans plus tard, en juillet 2016, un accord officiel appelé intesa fut passé entre le gouvernement italien et la Soka Gakkai en Italie, accordant à la Soka Gakkai la pleine reconnaissance de son statut d’organisation religieuse. Cela témoignait véritablement de la confiance que les membres italiens avaient su gagner.
Le 3 juin 1981, Shin’ichi, qui était arrivé à Milan la veille, rendit visite à Carlo Maria Badini, le directeur général de la Scala, une troupe d’opéra riche d’une histoire et d’une tradition de plus de deux siècles. M. Badini accompagna Shin’ichi à l’hôtel de ville de Milan, situé juste en face de la Scala, pour une réunion avec le maire, Carlo Tognoli, qui remit à Shin’ichi une médaille d’argent de la ville.
La Scala allait donner une série de représentations au Japon plus tard dans l’année, sur l’invitation de l’Association des concerts Min-On et d’autres organisations. Il s’agissait d’une production à l’étranger d’une envergure sans précédent pour la troupe, à laquelle allaient participer plus de 500 artistes et employés. Après la tournée au Japon de l’Opéra national de Vienne l’année précédente, également sous les auspices de l’Association Min-On, la tournée imminente de la Scala, la plus grande troupe d’opéra du monde, était très attendue.
De retour à la Scala, Shin’ichi s’entretint avec M. Badini, le directeur artistique, Francesco Siciliani et d’autres personnes.
« Nous allons faire de cette tournée une production magnifique, digne tant de la Scala que de Min-On, qui est une grande association internationale du monde de la musique », annonça le directeur général, qui exprimait par là son extraordinaire détermination à faire de cette tournée un véritable succès.
La tradition ne se mesure pas seulement en années, mais en efforts nobles et sans compromis en quête de l’excellence.
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Lors de leur entretien à la Scala, le directeur général Badini poursuivit : « Cette prochaine tournée n’aurait jamais pu voir le jour sans vos efforts, Monsieur Yamamoto. »
Rétrospectivement, cela faisait plus de seize ans que le vice-président exécutif de l’Association Min-On, Eisuke Akizuki, avait effectué sa première visite à la Scala et entamé des négociations pour une tournée au Japon. La troupe d’opéra ne s’était jamais produite au complet au Japon ni ailleurs en Asie. Lorsqu’ils apprirent que Min-On souhaitait inviter la Scala, de nombreux acteurs du monde artistique japonais se moquèrent de cette idée, la qualifiant de rêve absurde. Ils ne croyaient pas que Min-On ou la Soka Gakkai parviendraient un jour à organiser une tournée d’une institution de renommée mondiale.
Mais Shin’ichi avait dit à Akizuki : « Ne vous inquiétez pas. Je perçois dans la Scala un noble esprit de dévouement à la culture musicale. Je suis certain que les héritiers de cette fière tradition seront intéressés par Min-On, qui crée un mouvement nouveau, visant à mettre la culture musicale à la portée des personnes ordinaires. »
Et, comme l’avait pressenti Shin’ichi, la Scala accepta d’effectuer une tournée, et un contrat provisoire avait finalement été signé. Mais le projet était resté au point mort pendant un certain temps à la suite du décès du directeur général de la troupe d’opéra et du départ à la retraite de son successeur, survenu peu après pour cause de maladie.
En tant que fondateur de l’Association Min-On, Shin’ichi avait continué de soutenir et de faciliter le projet dans les coulisses. Et la tournée de la Scala au Japon avait finalement été prévue pour l’automne 1981.
Des efforts persistants et sincères pour surmonter chaque difficulté peuvent conduire à l’accomplissement d’exploits stupéfiants que personne n’aurait cru possibles. Et c’est ainsi que s’écrivent les chapitres les plus brillants de l’Histoire.
Le 4 juin, Shin’ichi se rendit chez Mondadori, une des plus grandes maisons d’édition italiennes, et rencontra le responsable des collections à finalité éducative pour discuter de la publication d’une édition italienne de l’un de ses dialogues avec des penseurs du monde entier.
Plus tard, Mondadori publia la traduction italienne de La Sagesse du Sûtra du Lotus, qui connut un franc succès.
L’édition est un secteur d’activité qui a la capacité d’élever la culture en diffusant des idées et en favorisant le dialogue spirituel.
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Le 4 juin en fin d’après-midi, Shin’ichi tint une réunion informelle avec une cinquantaine de jeunes, dont des étudiantes et étudiants, dans une salle de conférence de l’hôtel dans lequel il séjournait.
Il leur prodigua conseils et encouragements, tout en répondant à leurs questions. Il insista sur le fait que, même lorsqu’on cherche à réformer les systèmes de la société, c’est notre propre révolution intérieure en tant qu’êtres humains qui reste la clé ultime de tout changement fondamental.
Aussi prometteur que puisse être tout système ou institution créé, il restera toujours dirigé par des êtres humains. Sans la philosophie de la révolution humaine comme garde-fou contre l’égoïsme, la société ne pourra jamais vraiment fleurir.
Shin’ichi souhaitait que les jeunes se dressent pour devenir les porte-étendards de la révolution humaine qui inaugureraient le siècle de la vie.
Shin’ichi parla également du mariage. Il y avait beaucoup de jeunes dans l’organisation italienne, et certains parents qui étaient aussi membres de la Soka Gakkai, ainsi que des responsables, lui avaient demandé d’aborder ce sujet.
« Bien sûr, le mariage est un choix personnel, dit-il. Cependant, il est indéniable que les jeunes manquent souvent d’expérience de la vie et d’une certaine maturité. C’est pourquoi il est sage de demander conseil à vos parents et à vos aînés de sorte que, lorsque finalement vous vous marierez, les personnes qui se soucient de vous applaudiront votre décision.
« Le mariage est un engagement à partager les joies et les peines de son partenaire tout au long de sa vie. Nous ne savons pas quelle destinée nous attend ni quels défis nous aurons à relever dans l’avenir. Pour qu’un couple parvienne à surmonter tous ces obstacles, il faut bien sûr que les époux s’aiment et tiennent l’un à l’autre, mais il est aussi important qu’ils avancent vers un objectif commun, en s’appuyant sur des principes et des convictions qu’ils partagent.
« Lorsque les deux époux pratiquent le bouddhisme de Nichiren, je souhaite de tout cœur qu’ils développent une relation de soutien et d’inspiration mutuels, qui permet à chacun de polir sa foi et son caractère.
« Si vous vous engagez dans une relation qui vous pousse à vous éloigner de l’organisation, à perdre la joie de la foi et à arrêter de vous développer et de vous améliorer, vous finirez par en souffrir. »
Le bouddhisme de Nichiren nous donne la force de fendre les flots houleux de la vie. Et la voie pour établir un bonheur inébranlable consiste à faire des activités en première ligne dans la Soka Gakkai. Tous nos efforts dévoués pour kosen rufu nous apportent une précieuse bonne fortune. Chaque pas que nous faisons sur ce chemin nous permet de transformer notre karma et ouvre la voie d’une vie de joie et de bonheur. C’est précisément pour cela que Shin’ichi soulignait auprès des jeunes qu’ils ne devaient jamais laisser s’éteindre la flamme de leur foi.
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« Depuis quelques années, on constate partout dans le monde que les mariages tendent à se solder rapidement par des divorces, poursuivit Shin’ichi.
« Mais, lorsqu’une personne pratique le bouddhisme de Nichiren et rencontre des problèmes dans son mariage, je suis convaincu que s’il ou elle persiste vigoureusement dans sa pratique, renouvelle sa détermination dans la foi et recherche activement une solution avec son conjoint, il ou elle pourra, dans bien des cas, surmonter ces difficultés avec sagesse. Quoi qu’il en soit, la clé consiste à maintenir une foi ferme.
« L’objet de notre pratique bouddhique consiste à mener une vie pleine de satisfaction, à trouver le bonheur et à faire rayonner la lumière de l’espoir dans la société.
« Je vous invite donc à entretenir des relations affectueuses dans votre couple, à créer une famille harmonieuse, à inspirer confiance et respect à votre entourage, et à devenir ainsi des personnes qui prouvent la valeur du bouddhisme de Nichiren. »
Ce soir-là, à l’invitation du directeur général de la Scala, M. Badini, Shin’ichi et Mineko assistèrent à une représentation de l’orchestre symphonique de Londres sous la direction de Claudio Abbado, dont le programme comptait les Tableaux d’une exposition du compositeur russe Modeste Moussorgski.
Ce fut une représentation merveilleuse, et Shin’ichi souhaitait que chaque citoyenne et citoyen japonais ait la chance de ressentir la même émotion. L’une des raisons pour lesquelles il avait fondé l’Association des concerts Min-On était de permettre au public japonais de découvrir les meilleures œuvres d’art et de musique du monde. L’art et la culture ne doivent pas être réservés à une poignée de privilégiés.
Le lendemain, 5 juin, peu après midi, Shin’ichi et son groupe, accompagnés par des membres locaux, quittèrent l’aéroport de Milan à destination de Marseille, en France.
Shin’ichi n’était resté que quatre jours et trois nuits à Milan, mais sa visite avait laissé une impression durable sur les jeunes membres qu’il avait rencontrés. Ce qui les avait particulièrement frappés, c’était de le voir exprimer sa gratitude, avec le même respect et la même courtoisie, à tout le monde, depuis les portiers, les cuisiniers de l’hôtel et les chauffeurs jusqu’aux chefs d’entreprises et aux éminents intellectuels. Ils avaient senti que son comportement incarnait l’enseignement bouddhique selon lequel toutes les personnes sont égales car elles possèdent toutes la nature de bouddha.
La véritable valeur d’une philosophie ou d’une religion est transmise à travers les actions des individus, par la façon dont ils conduisent leur existence.
Le bouddhisme prend vie dans les efforts joyeux et dévoués de ses pratiquantes et pratiquants pour le bien-être d’autrui et de la société.
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Survolant les Alpes enneigées sur sa droite, l’avion de Shin’ichi se dirigeait vers Marseille, la deuxième plus grande ville de France, située sur la côte méditerranéenne.
Shin’ichi et son groupe atterrirent à Marseille le 5 juin, peu après 13 h heures. À leur arrivée à l’hôtel situé près d’Aix-en-Provence, ils discutèrent des réunions et événements à venir.
Shin’ichi se rendit ensuite au centre bouddhique Soka européen de Trets, à une trentaine de kilomètres de là, pour assister à une conférence des représentantes et représentants des membres européens prévue à 18 heures. Les responsables de treize pays s’étaient réunis pour discuter de divers aspects du mouvement de kosen rufu en Europe.
Lors de cette conférence, plusieurs nominations furent décidées afin de renforcer la coopération entre les organisations européennes et de leur permettre d’amorcer une nouvelle phase de développement, riche d’espoir. Les directeurs généraux de l’organisation au Royaume-Uni et en Allemagne, Raymond Gordon et Dieter Kahn, furent nommés vice-présidents de la Conférence européenne existante, dirigée par le président Eiji Kawasaki. Et Akihide Takayoshi, un ancien responsable national du département des lycéens et premier vice-responsable du département des jeunes hommes au Japon, fut nommé secrétaire de la Conférence.
Takayoshi avait reçu les conseils et les encouragements personnels de Shin’ichi depuis ses années de lycée, alors qu’il était membre d’un groupe d’étude. Et, après ses études supérieures, il était devenu employé au siège de la Soka Gakkai. Sa nomination au poste de secrétaire avait été décidée dans la perspective du XXIᵉ siècle.
Shin’ichi s’adressa aux participants de la conférence : « L’objet de ma visite cette fois-ci est d’annoncer l’aube d’une nouvelle ère en Europe. Si la jeunesse s’éveille à sa mission d’assumer la responsabilité de la prochaine génération, si elle incarne dans ses actions la philosophie du respect de la dignité de la vie et si elle s’engage à contribuer à la société, elle pourra unir des personnes qui sont aujourd’hui divisées et séparées. C’est aussi là que commence la paix.
« C’est la raison pour laquelle je m’engage à rencontrer nos jeunes et à dialoguer avec eux. Je veux inspirer tout le monde à travers mes actions en forgeant des liens de cœur à cœur.
« Lorsque des personnes mues par une conviction, un élan et une inspiration authentiques décident d’agir et de prendre l’initiative, elles déploient tout leur potentiel et toutes leurs capacités. Des encouragements véritables peuvent susciter une telle inspiration. Ils supposent un dialogue sincère et entier et des interactions honnêtes de vie à vie. »
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Au nord du centre bouddhique européen se dressait l’imposante présence de la montagne Sainte-Victoire, dont les crêtes calcaires scintillaient au Soleil sous le bleu immaculé des cieux. Cézanne, une figure influente dans le développement de l’art du XXᵉ siècle, était fasciné par cette montagne et l’avait peinte à maintes reprises.
Le 6 juin, juste avant midi, Shin’ichi, son épouse Mineko, le président de la Conférence européenne Eiji Kawasaki et d’autres personnes se rendirent ensemble à l’hôtel de ville de Trets, où ils furent accueillis par le maire, Jean-Claude Féraud, et une vingtaine de membres du conseil municipal.
Paré d’une écharpe tricolore bleu-blanc-rouge, aux couleurs du drapeau français, le maire se leva pour prendre la parole.
Il déclara que la ville était honorée d’accueillir le président Yamamoto et expliqua que, grâce aux écrits et aux dialogues du responsable de la SGI, il connaissait bien ses initiatives inestimables en faveur de la paix dans le monde, ainsi que la profonde philosophie qui sous-tendait son travail. Conscient des efforts incessants de Shin’ichi pour aider à éviter une crise nucléaire dans le cadre du conflit entre l’Est et l’Ouest, il salua son engagement dévoué à poursuivre le dialogue avec des penseurs de renom, à œuvrer pour la paix et à approfondir la compréhension entre les peuples, en tant que dirigeant du mouvement mondial pour la paix de la SGI. Le maire remercia Shin’ichi d’être venu visiter le centre bouddhique européen de Trets, alors qu’il y avait tant de centres de la SGI dans le monde.
Shin’ichi se sentit un peu gêné de recevoir un tel éloge.
La voix du maire, M. Féraud, se fit plus sonore lorsqu’il proclama solennellement : « Monsieur le Président Yamamoto : en votre qualité d’ambassadeur de la paix dont les actions ont été marquées par la sincérité et la persévérance, l’intégrité et la passion, ainsi que par une vitalité et une énergie hors pair, nous vous nommons citoyen d’honneur de Trets. »
Sous les applaudissements, le maire remit à Shin’ichi une médaille et un certificat de citoyenneté d’honneur.
Shin’ichi fit part de sa profonde gratitude au maire pour son esprit si compréhensif et sa générosité.
Il ne faisait aucun doute que cet honneur qui lui était accordé était le résultat des efforts sincères et des dialogues menés par les membres.
C’est en continuant de nous tourner vers les autres et de converser sincèrement avec eux que nous contribuons à promouvoir la compréhension de notre mouvement.
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Dans l’après-midi du 6 juin, un cours d’été organisé pour commémorer le 20ᵉ anniversaire du mouvement de kosen rufu en Europe s’ouvrit au centre bouddhique européen. Shin’ichi se joignit à 500 représentantes et représentants des membres venant de dix-huit pays, dont 100 de France, pour cette occasion spéciale.
Il dirigea solennellement Gongyo, en priant pour le bonheur de tous les participantes et participants et pour l’essor de kosen rufu en Europe. Il prit ensuite le micro et fit une proposition : « La date d’aujourd’hui, le 6 juin, marque non seulement le début de ce cours d’étude, à partir duquel nous prenons notre envol vers le XXIᵉ siècle, mais aussi l’anniversaire de la naissance du président fondateur de la Soka Gakkai, Tsunesaburo Makiguchi. Je voudrais donc proposer que nous désignions ce jour d’une signification profonde comme le “Jour de l’Europe” et que nous en fassions un jalon vers lequel nous tendrons chaque année, une date commémorative lors de laquelle nous renouvellerons ensemble notre engagement. Qu’en dites-vous ? »
Toutes les participantes et tous les participants manifestèrent leur accord en levant la main, et le 6 juin devint officiellement le Jour de l’Europe.
Comme Makiguchi était mort en prison pour ses convictions trois ans avant que Shin’ichi ne devienne membre de la Soka Gakkai, celui-ci n’avait jamais pu rencontrer le président fondateur. Mais, par l’intermédiaire de son maître, Josei Toda, il avait appris à connaître le caractère de Makiguchi, son engagement pour la foi dans le bouddhisme de Nichiren, ses actions visant à mettre la théorie en pratique, et sa philosophie de l’éducation. Il avait également lu et relu ses écrits, dans lesquels il avait puisé de précieux principes directeurs pour sa vie.
Dans l’un de ces textes, Makiguchi avait exposé l’idée que la voie de la paix consisterait à dépasser les compétitions militaire, politique et économique pour s’orienter vers ce qu’il appelait la « compétition humanitaire ».
En Europe, Shin’ichi formula à nouveau dans son cœur la détermination suivante : « Aujourd’hui plus que jamais, au nom de la paix mondiale, nous devons créer un vrai courant planétaire vers la “compétition humanitaire’’ ! »
Lors du cours d’été, une cérémonie de plantation d’arbres eut lieu, puis plusieurs membres partagèrent leurs expériences de pratique du bouddhisme de Nichiren. Une jeune Allemande de l’Ouest raconta comment elle était devenue plus positive et avait réussi à triompher de la maladie, et un jeune Italien comment il était parvenu à réaliser son rêve de devenir musicien. Tout le monde fut profondément ému. Chaque témoignage relatait une transformation intérieure spectaculaire survenue grâce au courage et à la volonté de se surpasser.
Notre foi et notre pratique bouddhiques nous donnent le pouvoir de vaincre le désespoir et la résignation, et de continuer d’aller de l’avant. En nous évertuant à progresser, nous pouvons nous perfectionner et élever notre état de vie.