Volume 30 : Chapitre 2, Préparer l’ère à venir 1–10

Préparer l’ère à venir 1

Engageons des dialogues !
En percevant la tristesse et la douleur
dans le regard des autres,
et en écoutant attentivement leurs paroles indécises,
rassemblons notre courage
pour mener un dialogue inspirant !
Ouvrons nos bras par empathie
et parlons avec une force vitale éclatante
de la véritable philosophie de l’espoir et de la justice !
Avec une passion débordante
et une conviction inébranlable,
persévérons dans nos efforts
pour jouer la mélodie de l’amitié et de la bonne entente !

Poursuivons nos dialogues !
Le pouvoir qui existe en chacun
est illimité !
L’éveil d’un seul individu
entraîne une vague de revitalisation,
qui se répand d’une personne à une autre,
et soulève une multitude infinie d’autres vagues.
« […] un est la mère de dix mille. » (Écrits, 132)

Par le dialogue,
nous semons les graines du bonheur
dans le cœur des gens
et les éveillons à leur noble mission dans cette existence.
Par le dialogue,
nous relions les cœurs et unissons le monde,
en établissant une citadelle de paix durable,
qui ne s’effondrera jamais.
Aujourd’hui encore, engageons le dialogue !

Shin’ichi Yamamoto avait démissionné de la présidence de la Soka Gakkai et avait été nommé président honoraire. Après s’être assuré que la Soka Gakkai prenne un nouveau départ sous la présidence de Kiyoshi Jujo et d’une nouvelle équipe de responsables, lors de la réunion générale du 3 mai 1979, Shin’ichi avait lancé une nouvelle phase de développement dynamique du kosen rufu mondial. Il concentra ses forces sur le dialogue, en encourageant les membres et en rencontrant des ambassadeurs et des penseurs et intellectuels de premier plan de divers pays afin d’ouvrir la voie de la paix mondiale.

Le pouvoir du dialogue contribue à la paix et à la création d’une nouvelle ère.

Préparer l’ère à venir 2

Shin’ichi Yamamoto s’abstint autant que possible de se rendre au siège de la Soka Gakkai. Il souhaitait que le président Jujo et les autres responsables exercent leurs fonctions en toute autonomie. En outre, il ne voulait pas que sa présence au siège les fasse progressivement retomber dans l’habitude de se reposer sur lui.

Shin’ichi souhaitait avant tout que la nouvelle équipe de responsables se dresse pour perpétuer l’esprit de maître et disciple au sein du mouvement Soka, qu’elle gère avec succès l’organisation, guide les membres, et accomplisse ses mission et responsabilité pour kosen rufu. Il nourrissait aussi le grand espoir de voir les jeunes, appelés à devenir les responsables dans l’avenir, se développer et s’épanouir.

En priant profondément, il pensa au mythique lion chinois qui, selon la légende, avait jeté son lionceau dans un ravin pour tester ses aptitudes à survivre et le former. Cette histoire illustre l’idée qu’il est important de permettre à ses enfants de relever des défis afin qu’ils puissent se développer. Shin’ichi avait le sentiment que c’est ce qu’il faisait désormais, tout en veillant sur ses successeurs engagés sincèrement dans leurs luttes.

Pendant ce temps, semaine après semaine, les médias japonais, sous l’impulsion des magazines à sensation, faisaient grand cas de la démission de Shin’ichi de la présidence de la Soka Gakkai. Ils ne cessaient de publier des reportages irresponsables et sans fondement, tandis que des commentateurs et diverses personnalités hostiles à la Soka Gakkai affirmaient que l’organisation était sur le point de s’effondrer.

Au milieu de toute cette agitation, Shin’ichi continua de dialoguer avec les membres et de les encourager à chaque fois qu’il en avait l’occasion – notamment dans les centres culturels de Kanagawa et de Tachikawa ou le centre de séminaires de Shizuoka, ainsi que dans de nombreux autres endroits. Il posait aussi avec eux pour des photos de groupe.

C’est en poursuivant sereinement les tâches que nous nous sommes fixées, jour après jour, sans jamais dévier de la voie de kosen rufu, et en allant de l’avant comme le Soleil qui suit inexorablement son cours dans le ciel que l’on peut remporter véritablement la victoire dans sa vie et pour kosen rufu.

Le 11 mai, dans le centre culturel de Tachikawa, Shin’ichi écrivit un poème, comme s’il conversait avec le Soleil et la Lune :

À l’ouest, le Soleil majestueux se couche.
À l’est, la pleine Lune resplendit.
Le crépuscule offre au ciel de nouvelles teintes.
Instant de sérénité
– fresque sublime
de la vie sans commencement.
Mon esprit, aussi,
est libre et sans entraves.

Préparer l’ère à venir 3

Dans ses efforts pour rapprocher les êtres humains du monde entier et ouvrir la voie à une paix durable, Shin’ichi chercha à rencontrer des penseurs et des représentants diplomatiques de divers pays. Le 19 mai 1979, dans un hôtel de Tokyo, il eut un entretien avec le président de l’Association d’amitié sino-japonaise, Liao Chengzhi, qui présidait une délégation de volontaires venus au Japon sur le navire de croisière chinois Minghua.

Au cours de la conversation, Shin’ichi exprima sa détermination à poursuivre ses efforts pour renforcer les liens amicaux et promouvoir des échanges pour la paix, la culture et l’éducation entre les deux pays, dans le présent et l’avenir, quel que soit son statut personnel. Il souligna aussi l’importance de développer des liens forts entre les citoyens ordinaires pour garantir des relations amicales durables.

Durant cette rencontre, le président Liao invita Shin’ichi à se rendre pour la cinquième fois en Chine.

Depuis la première visite de Shin’ichi dans ce pays [en 1974], les deux hommes avaient dialogué à de nombreuses reprises, forgeant ainsi des liens étroits. Le président Liao mourut quatre ans plus tard, en juin 1983. L’année suivante, Shin’ichi rendit visite à sa famille pour exprimer ses condoléances. Il partagea avec son épouse, Jing Puchun, et leur fils, des souvenirs de la vie et des réalisations de M. Liao.

En octobre 2009, l’université d’agriculture et d’ingénierie Zhongkai, située à Guangzhou [la capitale de la province de Guangdong, en Chine], conféra un titre de professeur honoraire à Shin’ichi et à son épouse, Mineko. « Zhongkai » était le prénom du père du président Liao Chengzhi. Liao Zhongkai (1877-1925) avait été un ami et un allié du dirigeant de la révolution chinoise, Sun Yat-sen (1866-1925), et c’est sa veuve, He Xiangning (1878-1972), qui avait créé par la suite l’école agricole et industrielle Zhongkai, prédécesseure de l’université. Elle-même avait lutté au côté de son époux et joué un rôle important dans l’établissement de la République populaire de Chine.

Un centre dédié à l’étude de la philosophie et des idéaux de Liao Chengzhi et de Shin’ichi Yamamoto fut inauguré à l’université d’agriculture et d’ingénierie Zhongkai, en novembre 2010.

Les amitiés cultivées par Shin’ichi continuèrent de fleurir et de se développer au XXIe siècle.

Le 22 mai 1979, quelques jours après sa rencontre avec le président Liao, Shin’ichi dialogua avec le directeur des Affaires internationales et un membre du comité éditorial de l’agence de presse soviétique Novosti, ainsi qu’avec des représentants de l’ambassade d’URSS, dans le centre culturel de Kanagawa, à Yokohama. Ils parlèrent, entre autres, des négociations sur la limitation des armes stratégiques (SALT II) entre les États-Unis et l’Union soviétique, et d’autres sujets liés à la paix, à la culture et à l’éducation en Asie et dans le monde. Durant cet échange, les représentants soviétiques exprimèrent fermement leur souhait d’accueillir Shin’ichi en Union soviétique.

En tant que pratiquants du bouddhisme de Nichiren, il nous incombe de travailler et d’agir avec sérieux en faveur de la réalisation d’une paix durable.

Préparer l’ère à venir 4

Shin’ichi Yamamoto poursuivit ses dialogues pour l’amitié et la paix.

Le 25 mai, il rencontra l’ambassadeur de Zambie, Chief Mapanza Morris Katowa, et, le 29 mai, le célèbre auteur et penseur chinois Zhou Yang et son épouse, Su Lingyang. En juin, il rencontra l’ambassadeur de Nouvelle-Zélande, Rod Miller, l’ambassadeur du Nigeria, Balarabe Abubakar Tafawa Balewa, et d’autres.

Shin’ichi s’investit particulièrement dans ses rencontres et ses dialogues avec des représentants d’Afrique, car il était fermement convaincu que le XXIe siècle serait le siècle de l’Afrique. Il était aussi intimement persuadé que ce n’était qu’en apportant la paix et la prospérité à ce vaste continent, où les gens avaient enduré de longues années de colonialisme et souffert de misère et de famines, que l’on pourrait sauver l’avenir de l’humanité.

Parallèlement à ses dialogues avec des dignitaires étrangers, Shin’ichi s’entretint également avec des acteurs clés de la société japonaise.

Malgré son emploi du temps chargé, il se rendit notamment dans les arrondissements de Tsurumi et Kohoku, à Yokohama, dans la préfecture de Kanagawa ; dans les arrondissements d’Itabashi, Chuo et Toshima, ainsi que dans les villes de Koganei et Kodaira, dans Tokyo et son agglomération. Partout où il allait, son unique objectif consistait à rendre visite aux membres qui luttaient sincèrement à ses côtés pour kosen rufu, afin de les encourager chaleureusement.

Tant que le maître et les disciples qui se consacrent à kosen rufu resteront étroitement unis en esprit, il régnera au sein de la Soka Gakkai une solidarité inébranlable, même au cœur des plus violentes tempêtes. C’est pour cela que les dialogues honnêtes et ouverts sont essentiels. Sources d’inspiration, ils éveillent les gens à leur mission et permettent de cultiver les liens de confiance.

À chaque fois que Shin’ichi rencontrait des membres pionniers, il leur transmettait immanquablement ce message : « Dans la vie, le dernier chapitre est le plus important. »

Quelle que soit l’énergie avec laquelle nous avons mené notre vie et les accomplissements que nous avons réalisés, si nous cessons de lutter dans notre pratique bouddhique au cours de nos dernières années, nous aurons cédé à la défaite.

Nichiren écrit : « Ainsi, le voyage de Kamakura à Kyoto dure douze jours. Si vous voyagez pendant onze jours mais que vous vous arrêtez alors qu’il reste encore un jour à parcourir, comment pourrez-vous admirer la Lune au-dessus de la capitale ? » (Écrits, 1037)

Dans la vie, la victoire éclatante et éternelle appartient à ceux qui gardent l’esprit de toujours rechercher la voie, dépasser leurs limites et lutter de toutes leurs forces jusqu’à leur dernier souffle.

Préparer l’ère à venir 5

La démission de Shin’ichi Yamamoto en tant que représentant principal de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu et président de la Soka Gakkai devait mettre un terme aux attaques d’un certain nombre de jeunes moines qui s’opposaient à la Soka Gakkai.

Le 1er mai, le bureau administratif de la Nichiren Shoshu publia la directive suivante à l’attention de tous les moines : « Dans les cours mensuels et autres sermons, il est strictement interdit de parler d’autre chose que des enseignements fondés sur les écrits de Nichiren. Malgré de nombreux avertissements, il s’avère que cette règle est souvent enfreinte. À compter de ce jour, nous vous demandons de vous abstenir de tout comportement allant à l’encontre de cette directive. […]

« S’il est permis d’accepter que les membres de la Soka Gakkai, qui en font personnellement la demande, adhèrent directement à un temple, il est formellement interdit d’approcher les membres de la Soka Gakkai de quelque manière que ce soit pour les enjoindre d’adhérer à la Nichiren Shoshu. »

Le grand patriarche Nittatsu réprimanda personnellement certains moines qui continuaient de calomnier la Soka Gakkai, sans tenir aucun compte de cette directive. Néanmoins, dans un grand nombre de temples sur lesquels les jeunes moines avaient une emprise, la Soka Gakkai continua d’être diffamée et critiquée pendant les cours mensuels et en d’autres occasions. En réalité, il semble que les moines n’avaient fait qu’intensifier leurs efforts pour approcher les membres de l’organisation laïque et les persuader de la quitter pour rejoindre le temple.

Ces moines ne firent donc aucun cas des instructions du bureau administratif de la Nichiren Shoshu ni même de celles du grand patriarche, et les signes de troubles et de confusion se multiplièrent au sein de la Nichiren Shoshu.

Le 22 juillet, peu après 6 heures du matin, Shin’ichi apprit le décès du grand patriarche Nittatsu. Ce dernier avait participé à une cérémonie funéraire dans un temple de Fukuoka, le 17 juillet, avant de retourner au Temple principal, le lendemain. Le 19 au matin, victime d’un malaise, il avait été admis à l’hôpital de la ville de Fujinomiya. Il y décéda d’une crise cardiaque à 5 h 05 du matin, le 22 juillet, à l’âge de 77 ans.

Shin’ichi quitta immédiatement le centre culturel de Kanagawa pour se rendre au Temple principal afin de présenter ses condoléances. Il arriva avant 9 heures, récita Daimoku et offrit de l’encens, en priant pour le bonheur éternel du grand patriarche.

Dans la soirée, au cours de la veillée préliminaire, dans le Grand Hall de réception, le conseiller exécutif du bureau administratif de la Nichiren Shoshu fit une annonce importante. En avril de l’année précédente [1978], dit-il, Nittatsu avait désigné à titre confidentiel Shinno Abe, l’administrateur général, comme son successeur, ce qui faisait de lui le 67e grand patriarche. La Soka Gakkai continua alors d’apporter son soutien aux moines, en souhaitant une coopération harmonieuse entre le clergé et les laïcs pour le bien de kosen rufu.

Préparer l’ère à venir 6

La veillée officielle et les cérémonies funéraires pour le grand patriarche Nittatsu se déroulèrent dans le Temple principal, entre le 6 et le 8 août. Shin’ichi Yamamoto, des responsables de la Soka Gakkai et d’autres représentants y assistèrent.

Cet été-là [en août 1979], 1 300 membres de la SGI venus de quarante et un pays et de trois territoires se retrouvèrent au Japon. En tant que président de la SGI, Shin’ichi les encouragea à l’occasion d’une réunion internationale de l’amitié, dans le centre culturel de Kanagawa le 13 août, et lors d’une cérémonie de Gongyo pour la paix mondiale, dans l’auditorium du Mémorial Toda, de Tokyo, le 15 août.

Ces membres sincères, qui travaillaient avec tant d’ardeur pour kosen rufu, étaient venus au Japon des quatre coins du monde, avec un fervent esprit de recherche. Quelle que soit sa situation, Shin’ichi faisait toujours tout son possible pour les rencontrer et les encourager.

Nichiren écrit : « […] si un être proclame ne serait-ce qu’une seule phrase du Sûtra du Lotus, vous devriez le respecter comme s’il s’agissait du Bouddha. C’est ce que signifie ce passage du Sûtra : “[…] tu devras te lever et le saluer de très loin, en lui montrant autant de respect que s’il s’agissait d’un bouddha” [SdL-XXVIII, 303]. » (Écrits, 762) Dans le Recueil des enseignements oraux, il est dit que la phrase : « […] tu devras te lever et le saluer de très loin, en lui montrant autant de respect que s’il s’agissait d’un bouddha » correspond à « l’élément essentiel qu’il [Shakyamuni] souhaitait nous transmettre » (OTT, 192).

Nous devrions toujours nous appuyer sur les enseignements de Nichiren.

En voyant ces joyeux membres de la SGI manifester un esprit de recherche aussi brillant, Shin’ichi fut encore plus convaincu qu’une nouvelle ère du kosen rufu mondial était en train de s’ouvrir.

Lors de la réunion internationale de l’amitié, il dit : « Le fait que 1 300 membres soient venus de toutes les parties du monde au Japon pour approfondir leur compréhension des enseignements de Nichiren est un événement marquant dans l’histoire du bouddhisme. N’oubliez jamais que vous êtes les pionniers ouvrant de nouvelles voies pour le kosen rufu mondial et que, par conséquent, vous écrivez l’Histoire.

« Dans vos pays respectifs, beaucoup d’entre vous font partie d’un groupe de membres très restreint. Peut-être même êtes-vous la seule personne à pratiquer le bouddhisme de Nichiren dans un vaste territoire. Mais l’important est de déployer des efforts avec un esprit autonome.

« Nichiren se dressa seul et créa le courant de kosen rufu. De la même manière, la reconstruction de la Soka Gakkai après la Seconde Guerre mondiale débuta au moment où le président Josei Toda se dressa seul. Tel est l’esprit d’un pratiquant du bouddhisme de Nichiren ; tel est l’esprit de la Soka Gakkai.

« Le temps est venu pour chacune et chacun de vous de se dresser par lui-même, comme un lion ! C’est ce que je ferai, moi aussi ! »

Préparer l’ère à venir 7

Dans l’après-midi du 20 août, après s’être rendu au centre culturel de Taito, à Tokyo, Shin’ichi Yamamoto alla au centre de séminaires de Nagano, à Karuizawa, dans la préfecture de Nagano.

C’est à Karuizawa que Josei Toda passa son dernier été, en août 1957. Durant ce séjour, il invita Shin’ichi et Kazumasa Morikawa à le rejoindre. Ensemble, ils étaient allés en voiture voir les roches volcaniques d’Onioshidashi, puis étaient rentrés dîner à l’hôtel où séjournait Toda. Il souhaitait tout particulièrement encourager Shin’ichi, qui avait été arrêté sur de fausses accusations le mois précédent dans une affaire connue par la suite sous le nom d’« incident d’Osaka ».

Durant le dîner, la conversation entre Toda et ses jeunes disciples alla bon train. Rapidement, ils évoquèrent le roman de Toda, La Révolution humaine, écrit sous le nom de plume de Myo Goku. Ce roman avait commencé à paraître en feuilleton dans le journal Seikyo début avril 1951, et il n’avait été publié sous forme de livre qu’en juillet 1957.

Le héros du roman, Gan, est un homme ordinaire, qui habite dans un petit immeuble d’un étage, divisé en huit appartements. Il travaille dans une imprimerie.

Gan commence à pratiquer le bouddhisme de Nichiren sur les conseils de Josaburo Makita (nom fictif donné par Toda à Tsunesaburo Makiguchi dans cette première version ; dans les éditions ultérieures, Makiguchi figure sous son véritable nom). En accumulant les preuves factuelles du pouvoir de la foi, Gan finit par devenir le directeur de l’imprimerie. Plus tard, il est nommé directeur général de la Soka Gakkai et soutient le président Makita dans ses efforts pour kosen rufu.

Mais Makita et son fidèle disciple Gan sont persécutés par le gouvernement militariste japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, et tous deux sont incarcérés. En récitant Nam-myoho-renge-kyo et en lisant le Sûtra du Lotus dans sa cellule, Gan prend profondément conscience qu’il est l’un des bodhisattvas surgis de la Terre présents à la Cérémonie dans les airs décrite dans le Sûtra du Lotus. Le roman se termine sur le serment de Gan de consacrer sa vie à la transmission du Sûtra du Lotus.

Dans la première moitié du roman, le personnage de Gan est complètement fictif, sa vie n’ayant presque rien en commun avec celle de Toda, mais, dans la seconde moitié, son parcours rejoint tout à fait la vie de Toda. Ainsi, son éveil en prison à sa mission pour kosen rufu après son arrestation par les autorités correspond exactement à ce qui s’est passé. Cet événement marque le point de départ de l’esprit de la Soka Gakkai.

« Je suis un bodhisattva surgi de la Terre ! » – cette déclaration de Gan est la source de la conviction de la Soka Gakkai.

Préparer l’ère à venir 8

La Révolution humaine de Josei Toda a pour fil conducteur la révolution humaine du personnage principal, Gan, et décrit le dévouement altruiste de son maître Josaburo Makita, qui se dressa seul pour faire largement connaître la Loi merveilleuse et réaliser kosen rufu.

Lorsqu’il prit la parole à l’occasion de la 11e commémoration (10e anniversaire) du décès du président Makiguchi, en novembre 1954, Toda décrivit ses sentiments le jour où, en prison, il apprit que son maître, à qui il devait tout, était décédé : « Jamais de ma vie je n’avais ressenti autant de peine. En cet instant, je me suis dit : “Observez-moi ! Je prouverai au monde entier que mon maître avait raison. Si je devais adopter un pseudonyme, je prendrais celui de comte de Monte-Cristo. J’accomplirai de grandes choses pour m’acquitter de ma dette envers mon maître1.” »

« Le comte de Monte-Cristo » est le nom du héros d’Alexandre Dumas (1802-1870) dans le roman qui porte ce titre. Dans sa traduction en japonais par Ruiko Kuroiwa (1862-1920), ce roman s’intitule Gankutsu-o (litt. le roi des cavernes).

Il y est question d’un jeune marin nommé Edmond Dantès, qui est victime d’un complot perfide. Il est arrêté puis emprisonné dans une terrible forteresse insulaire, le château d’If, où il rencontre le détenu d’une cellule voisine, l’abbé Faria, un homme d’un âge avancé qui devient son mentor. Ce dernier l’instruit dans nombre de domaines et lui révèle l’existence d’un trésor caché sur l’île de Monte-Cristo. Quatorze ans plus tard, Dantès s’échappe de prison et s’empare du trésor. Devenu extrêmement riche, il prend le nom de comte de Monte-Cristo et s’introduit dans la haute société parisienne, où il entreprend de se venger de ceux qui sont responsables de son emprisonnement injuste et de récompenser les personnes qui l’ont aidé.

Toda fit le serment de persévérer avec ardeur et de surmonter tous les obstacles, comme le héros du roman, pour venger la mémoire de son maître, mort en raison de l’oppression du gouvernement militariste japonais. La « vengeance » de Toda consista à démontrer l’intégrité et la droiture de son maître. Cela l’amena, entre autres, à lutter contre le fléau du pouvoir, qui avait provoqué la disparition prématurée de Makiguchi ainsi que la mort et la souffrance de tant d’autres personnes durant la guerre. Et cela signifiait aussi permettre à toute l’humanité de parvenir au bonheur et à la paix.

Toutes ces raisons incitèrent Toda à nommer le héros de son roman Gan Kutsuo [homonyme du titre de l’œuvre de Dumas en japonais], et à raconter dans ce livre, pour la postérité, l’intégrité et la grandeur de Makiguchi.

Il est du devoir des disciples de faire connaître les vertus de leur maître dans le monde entier.

Préparer l’ère à venir 9

Lorsqu’il se rendit à Karuizawa, à l’invitation de son maître, M. Toda, et qu’il lui rapporta combien la lecture de son roman, La Révolution humaine, l’avait ému, Shin’ichi prit une profonde décision personnelle.

La Révolution humaine de M. Toda s’achève quand son héros Gan, qui le représente, fait en prison le vœu de consacrer sa vie à kosen rufu.

Toda sortit de prison le 3 juillet 1945, après avoir hérité de l’esprit de son maître, Tsunesaburo Makiguchi, mort durant son incarcération. Shin’ichi sentit que, s’il ne racontait pas ce que M. Toda avait réalisé ensuite et ses efforts pour établir les fondations de kosen rufu au Japon, il ne transmettrait pas aux générations futures la grande œuvre de son maître et l’esprit de maître et disciple au sein du mouvement Soka, illustré par l’exemple de MM. Makiguchi et Toda.

Shin’ichi parvint alors à cette prise de conscience : « Je suis le seul qui puisse faire connaître véritablement la vie de M. Toda. C’est ce qu’il attend de moi, et c’est ma mission en tant que disciple. »

À ce moment-là, le projet, qu’il avait si souvent envisagé, d’écrire une biographie romancée qui fasse suite à La Révolution humaine de Toda se changea en une détermination inébranlable. Et c’est là, dans la préfecture de Nagano, qu’il prit le profond engagement de tout faire pour que l’esprit de maître et disciple du mouvement Soka vive éternellement.

En ce mois d’août 1979, Shin’ichi accomplit sa première visite au centre de séminaires de Nagano, ouvert depuis le mois d’août de l’année précédente. Lors de ce premier été d’un nouveau chapitre du kosen rufu mondial, il retourna donc à Karuizawa, où Toda s’était rendu durant le dernier été de sa vie. Depuis ce lieu marqué par de profonds liens karmiques, Shin’ichi décida de donner une nouvelle impulsion aux visites au domicile des membres et aux encouragements personnels, et d’entreprendre de bâtir une nouvelle Soka Gakkai.

En définitive, le kosen rufu mondial consiste d’abord à encourager une seule personne, c’est-à-dire à accomplir un premier pas dans notre environnement immédiat.

Dans le train qui le conduisait vers le centre de séminaires de Nagano, Shin’ichi transforma sa décision en acte.

Lorsqu’un jeune homme le reconnut et vint le saluer, Shin’ichi l’encouragea et lui offrit un poème :

Toi que j’ai rencontré par hasard,
tu es aussi mon disciple,
dans notre grand voyage vers le bonheur.


Parvenu à destination, Shin’ichi serra la main du jeune homme et lui dit : « Transmettez mes meilleurs sentiments à vos parents. J’espère que vous accomplirez de grandes choses ! »

La détermination doit se traduire en action.

Préparer l’ère à venir 10

Deux heures et demie auparavant, Shin’ichi avait quitté la chaleur persistante de l’été de Tokyo et se retrouvait maintenant à Karuizawa, enveloppé dans la brume et la fraîcheur du soir.

Un petit groupe de responsables, de membres du personnel et d’autres pratiquants locaux l’attendaient dans le centre de séminaires de Nagano. Bien que souriants, ils avaient aussi l’air préoccupé, peut-être parce qu’il y avait eu très peu de comptes rendus des activités de Shin’ichi dans le journal Seikyo et dans d’autres publications de la Soka Gakkai, à la suite de sa démission de la présidence.

Il dissipa leurs inquiétudes, d’une voix débordant d’énergie : « Je vais tout à fait bien ! Prenons ensemble un nouveau départ ! » Sa voix résonnait comme le rugissement d’un lion, en ce lieu marqué par la relation de maître et disciple.

Il serra la main de Takashi Saida, le responsable de la préfecture de Nagano, qui, à 37 ans, était encore bien jeune. « Maintenant que je suis président honoraire, je pourrais effectuer une pause dans mes activités pour kosen rufu, voire tout arrêter, lui dit Shin’ichi. Ce serait bien plus reposant. Mais, si j’entretenais l’idée de faire ne serait-ce qu’un petit pas en arrière, je ne vivrais plus en accord avec l’esprit de maître et disciple du mouvement Soka, qui consiste à se consacrer à kosen rufu, et M. Toda en serait furieux.

« Quand nous avons conscience de notre mission en tant que bodhisattvas surgis de la Terre, nous pouvons trouver un terrain de lutte, c’est-à-dire un moyen d’apporter notre contribution, quelles que soient les contraintes ou restrictions qui limitent nos actions. Nous devons lutter avec sagesse et courage. Nichiren a déclaré : “Mais je ne suis pas encore découragé.” (Écrits, 753) Avec cet état d’esprit, il poursuivit toujours la lutte, sans se laisser décourager par les persécutions, quelles qu’elles soient. J’espère que vous non plus vous n’abandonnerez jamais votre lutte pour kosen rufu et que vous poursuivrez votre pratique bouddhique tout au long de votre vie, quoi qu’il arrive et quelle que soit votre situation. En ce qui me concerne, je continuerai de faire des efforts pour tous les membres de notre organisation. »

Shin’ichi avait prévu de rester neuf jours à Nagano.

Le matin du 21 août, au lendemain de son arrivée, il encouragea les membres du département de la jeunesse qui apportaient leur soutien aux activités, ainsi que les autres personnes présentes dans le centre de séminaires. Il déjeuna et dialogua avec une dizaine de pionniers, avant de se rendre chez Takashi Kibayashi, le vice-responsable du centre de Komoro. Lorsqu’ils s’étaient rencontrés, onze ans plus tôt, Kibayashi avait invité Shin’ichi chez lui, et Shin’ichi lui avait alors promis de venir un jour. Il respectait donc son engagement.

Ce soir-là, il rencontra des membres locaux avec qui il eut un échange informel.

C’est en multipliant les conversations et dialogues que l’on peut cultiver la terre même de la vie et créer le jardin fleuri du bonheur.

  • *1Traduit du japonais. Josei Toda, Toda Josei zenshu (Œuvres complètes de Josei Toda), vol. 4, Tokyo, Seikyo Shimbunsha, 1984, p. 230.